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Les salafistes à Paris : "Il n'y a pas de défaillance du renseignement", selon Alain Bauer

L'opposition s'est indignée du "rassemblement salafiste" non autorisé qui s'est tenu devant l’ambassade des États-Unis, samedi, à Paris. Pour Alain Bauer, criminologue, les services de sécurité français ne peuvent être remis en cause.

Ils avaient reçu des SMS ou des appels à manifester sur les réseaux sociaux. Au lendemain du rassemblement non autorisé de 250 personnes devant l’ambassade des États-Unis, à Paris, pour protester contre le film islamophobe "L’Innocence des musulmans", l’heure est à la polémique.

Alors que l’ex-Premier ministre François Fillon a exigé, dimanche 16 septembre, au président François Hollande "des explications sur le fait que le préfet de police de Paris ait toléré une manifestation de salafistes devant l'ambassade des États-Unis à Paris", le secrétaire général de l'UMP, Jean-François Copé, a demandé "que toute la lumière soit faite sur les raisons qui peuvent expliquer qu'une telle manifestation non autorisée puisse se réaliser en plein Paris".

Des attaques qui n’ont pas manqué de "choquer" le chef du gouvernement, Jean-Marc Ayrault, qui a simplement rappelé que "la manifestation était interdite et les policiers ont  fait leur travail". Pour Alain Bauer, professeur de criminologie au Conservatoire national des arts et métiers et aux universités de New York et de Pékin, les services de sécurité ne peuvent être mis en cause.

FRANCE 24 - Le rassemblement non autorisé de 250 personnes devant l’ambassade américaine, samedi, à Paris témoigne-t-il d'une défaillance des services de sécurité ?

Alain Bauer - Il n’y a pas de défaillance particulière, il y a juste une constatation de ce que sont les effets secondaires de la technologie. Il paraît aujourd’hui impossible de contrôler les réseaux sociaux pour empêcher ce type de manifestation. Beaucoup de manifestants sont clairement identifiés par les services de police et de renseignement. Il n’y a pas de surprise. D'ailleurs, ils étaient attendus par des forces de police et de gendarmerie, venus en nombre.

F24 - Les services du renseignement français sont-ils bien perçus aux États-Unis ?

A. B. - Absolument. Le renseignement français a toujours été l’un des alliés les plus proches et les plus respectés des États-Unis. Les Soviétiques, du temps de la guerre froide, avaient beaucoup infiltré les services français en reconnaissant leur efficacité. Ils ont une bonne réputation de collecte du renseignement et d’action sur le terrain. Ils savent beaucoup de choses. Le problème français est beaucoup moins la collecte des informations, qui est d’une assez bonne qualité, que l’analyse du renseignement et les moyens d'action.

Comme les autres services occidentaux, ils ont une immense difficulté à comprendre ce que sont les profils hybrides tels que Khaled Kelkal hier [terroriste islamiste soupçonné d’avoir organisé la vague d’attentats commis en France en 1995, ndlr] ou Mohamed Merah aujourd'hui. Ils aiment bien classer les gens dans des petites cases dont ils ne devraient jamais sortir. Toute personne qui manifeste une opinion n’est pas un salafiste par principe. Tout salafiste n’est pas un terroriste. Il y a comme toujours une confusion et un grand mélange sur la manière dont on étiquette les gens.

F24 - Y a-t-il une dynamique favorable au salafisme en France ?

A. B. - Il y a une dynamique favorable à la radicalisation de toute minorité dont l’intégration s’est faite dans des conditions complexes et qui se sentent victimes de ségrégation. Le multiculturalisme et le respect des opinions des autres ne se sont pas traduits par une confrontation de ces opinions et une intégration avec des valeurs communes.

On ne peut pas construire une société avec 42 ghettos, installés les uns à côté des autres. On construit une société avec des valeurs communes. Celles de la France sont marquées par des idéaux de la Révolution française ou les valeurs de la République. On ne peut pas exiger des gens qu’ils les admettent sans faire l’effort de pédagogie en la matière. Pour l’immense population de non-catholiques en France, quelle que soit leur religion ou leur absence de religion, cette intégration a néanmoins fonctionné. Malgré cela, vous aurez toujours quelques dizaines d’extrémistes musulmans, juifs, catholiques ou d’ultra-politisés non religieux. C’est aussi malheureusement le prix à payer pour la diversité des opinions.

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Les salafistes en France
Les salafistes à Paris : "Il n'y a pas de défaillance du renseignement", selon Alain Bauer