
Au lendemain des violences meurtrières survenues aux abords de l'ambassade américaine à Tunis, la classe politique et plusieurs médias pointent des dysfonctionnements dans le dispositif de sécurité. Le ministère de l'Intérieur s'en défend.
Vendredi, des centaines de manifestants, appartenant pour la plupart à la mouvance salafiste, ont convergé vers l'ambassade américaine à Tunis pour protester contre le film islamophobe réalisé aux États-Unis, "L'Innocence des musulmans".
Après la grande prière, certains manifestants ont jeté des pierre et des cocktails Molotov avant de réussir à pénetrer dans l'enceinte de l'ambassade. La police a alors fait usage de balles. Quatre manifestants ont trouvé la mort et une cinquantaine de personnes ont été blessées.
Pendant ces affrontements, des véhicules et l'école américaine située à quelques mètres de la représentation diplomatique américaine ont été incendiés.
Cet épisode est l'un des plus violents survenus dans le monde arabe vendredi, alors qu'une douzaine de pays étaient secoués simultanément par des émeutes antiaméricaines. (Avec AFP)
Les berges du lac de Tunis, où se situe l’ambassade des États-Unis, ont retrouvé leur calme au lendemain de la violente attaque contre la représentation américaine. Les forces de l’ordre tunisiennes, renforcées en effectif, protègent le bâtiment et les hauts diplomates ont été exfiltrés en lieu sûr.
Une ambiance qui tranche avec celle de vendredi 14 septembre, lorsque des centaines de manifestants s’étaient rassemblés devant l’ambassade pour protester contre la diffusion sur Internet d’un L'Innocence des musulmans", film américain islamophobe. Ce long-métrage, dont 13 minutes d’extraits sont visibles sur YouTube, présente l'islam comme une religion immorale et brutale.
Dans l’après-midi, après la grande prière du vendredi, ces manifestants ont affronté les forces de l’ordre, ont réussi à pénétrer dans l’enceinte de l’ambassade et en ont incendié une partie. Selon le ministère tunisien de la Santé, "trois manifestants ont été tués par balles, un quatrième a été fauché par un véhicule et 49 personnes ont été blessées, dont neuf grièvement".
Après cet épisode sanglant qui écorne sérieusement l’image d’une Tunisie habituellement pacifique vient le temps des questions : qui porte la responsabilité du drame ? Les forces de l’ordre étaient visiblement en sous-effectif pour contenir le nombre de manifestants. Selon nos informations, la police et l’armée se sont même retrouvées à cours de gaz lacrymogène pour repousser les assaillants alors que l’attaque était encore en cours. De même, des barrages avaient été mis en place sur les artères principales, mais pas sur les routes secondaires menant à l’ambassade. Certains manifestants ont ainsi pu s’introduire dans l’enceinte de l’ambassade en passant par l’arrière du bâtiment.
Le gouvernement refuse néanmoins de remettre en cause le travail des forces de sécurité. Interrogé vendredi soir sur les ondes de la radio tunisienne Express FM, le porte-parole du ministère de l’Intérieur, Khaled Tarrouche, a salué la “réussite de l’intervention”.
“Les forces de l’ordre sont intervenues quand les manifestants ont franchi les barrages", a-t-il déclaré. “Elles ont réussi à les faire sortir du bâtiment et à les éloigner de l’ambassade”, a-t-il poursuivi. Vendredi soir, les autorités annonçaient avoir procédé à 28 arrestations.
Ghannouchi surfe sur le drame
Samedi, l’administration est une nouvelle fois montée au front. “Toute personne impliquée de loin ou de prés dans l’attaque serait poursuivie”, a assuré Mohamed Ali Arioui, porte-parole de l’administration générale de la sûreté nationale.
Depuis l’attaque, des voix se sont élevées dans les médias et la classe politique pour dénoncer les défaillances sécuritaires autour de l’ambassade. En premier lieu : Rached Ghannouchi, chef d'Ennahdha, parti islamiste qui domine le Parlement et le gouvernement. Ce dernier s’est demandé pourquoi les forces de l’ordre n’ont pas protégé le rassemblement comme il se devait.
Mais le leader d’Ennahda ne s’est pas contenté de ces critiques. Il s’appuie désormais sur le drame pour promouvoir un projet cher à son parti : la criminalisation de l’atteinte au sacré... à l’échelle internationale ! “Hillary Clinton a affirmé être navrée de la diffusion de ce film mais qu’elle ne pouvait rien faire parce qu’il n’y a pas de loi aux États-Unis protégeant les choses sacrées. C’est pour cela qu’il doit y avoir une loi incriminant l’atteinte au sacré, au niveau international et cela doit se faire à l’ONU”, a-t-il déclaré vendredi soir, toujours sur Express FM.