Le ministère de l’Éducation a annoncé la rentrée scolaire pour le 16 septembre en Syrie. Mais rien n’est moins sûr quand les écoles, souvent détruites ou devenues des abris pour réfugiés, ne sont pas encore en mesure d'accueillir des élèves.
Cette année plus encore qu’en 2011, la rentrée des classes ne sera pas évidente pour les enfants syriens. Le ministère de l’Éducation syrien a annoncé qu’elle aurait lieu le dimanche 16 septembre, alors que plusieurs villes du pays se trouvent toujours sous un déluge de feu.
Pour l’heure cela semble difficile, certains écoliers, habillés de leur uniforme bleu et orange, risquant de trouver un amas de gravas en lieu et place de leur établissement ou des familles ayant élu domicile dans leur salle de classe. Nombre d’écoles ont en effet été touchés par les bombardements, mais surtout beaucoup servent actuellement de refuge à des Syriens déplacés qui ont fui les combats dans leurs régions d’origine. Pourtant, les autorités ont d’ores et déjà commencé à inviter les réfugiés et les Syriens déplacés qui ont trouvé abri dans les écoles à les quitter. Des ONG et des représentants de l’ONU, notamment du Haut commissariat des Nations unies aux réfugiés (UNHCR), interviennent également pour gérer la situation.
Reloger les réfugiés et déplacés dans d’autres bâtiments publics
" Le plan est d’identifier avec les autorités syriennes des bâtiments qui pourraient être
considérés comme une alternative aux écoles occupées ", explique à FRANCE 24 Hélène Daubelcour, du bureau de l’UNHCR en Syrie. Elle raconte que le HCR a procédé la semaine dernière au déplacement d’environ 200 réfugiés d’une école dans la région de Damas, vers un autre bâtiment public, le ministère de l’Éducation ayant fait savoir qu’il avait besoin de commencer à rénover les écoles en vue de la rentrée scolaire. " Ce qui est normal de sa part avant la rentrée ", remarque-t-elle.
Ce " plan " est confirmé par un communiqué de l’agence officielle Sana, qui explique que les autorités cherchent d’autres lieux publics, comme notamment des salles de fêtes ou des gymnases, pour abriter les déplacés. Selon les chiffres du gouvernement, sur 22 000 écoles dans le pays, 2 072 ont été touchées par des bombardements et 600 ont servi d’abri temporaire à des personnes déplacés. Les endroits les plus touchés sont les régions de Homs, au centre, d’Idleb, au nord, la province de Damas et la région de Deraa, berceau de la contestation au sud du pays. Divers communiqués officiels font état des progrès dans les préparatifs de la rentrée.
Selon des habitants de Damas, de nombreux quartiers sont restés à l’abri des violences et les réfugiés sont surtout logés dans des quartiers périphériques de la ville. De nombreuses écoles sont donc en effet prêtes à rouvrir.
Mais reste à savoir si toutes les personnes qui ont trouvé refuge dans des écoles pourront être relogées. Les derniers chiffres de l’ONU sont pour le moins alarmants : il y a en Syrie un million deux cent mille personnes déplacées à l’intérieur du pays, et 2,5 millions de personnes ont un besoin urgent d’aide humanitaire.
Selon le porte-parole du Fonds des Nations unies pour l'enfance (Unicef), Patrick McCormick, cité par l’AFP, il est peu probable que tous les enfants en Syrie et dans les pays voisins puissent tous aller à l'école à la rentrée vu la situation de guerre.
Car la question se pose aussi au Liban où l’afflux de réfugiés syriens a été massif, notamment dans la vallée de la Bekaa. Naturellement, les écoles publiques libanaises ont ouvert leur portes cet été pour accueillir les familles entières de Syriens, mais l’heure est désormais au préparatifs de la rentrée prévue le 24 septembre.
" Nous sommes en lien avec les autorités pour trouver d’autres bâtiments publics, qu’il faudra peut-être réhabiliter afin qu’ils puissent accueillir des réfugiés, qu’ils soient syriens ou autre", explique également pour sa part Mohammed Abouassaker, du bureau de l’UNHCR à Beyrouth, joint par téléphone.
Aller à l’école, dernier vestige d’un semblant de normalité
Jointe par téléphone, Marixie Marcado, une autre porte-parole de l’Unicef, salue le fait qu’au Liban, les autorités se sont engagées à scolariser les jeunes syriens dans les écoles publiques. Elle confie néanmoins une double inquiétude. " C’est important que les familles qui habitaient les écoles retrouvent un toit, mais il est primordial que les enfants puissent avoir accès à l’enseignement", explique-t-elle. Aller à l’école devrait ainsi être dans la mesure du possible le quotidien ordinaire de tout enfant.
Difficile d’imaginer cependant que la vie suit son cours en Syrie quand chaque journée apporte son lot de morts, de blessés et de destructions. Certains refusent de voir les écoles rouvrir, symbole de retour à la normale. Un groupe Facebook appelle ainsi à boycotter la rentrée scolaire en solidarité avec les" martyrs de la révolution".
Mais nombre de Syriens tentent toutefois s’accrocher à un semblant de normalité. Ainsi, la famille Khatib, originaire de la province de Homs, aujourd’hui réfugiée dans une région plus sûre, se réjouissait il y a une quinzaine de jours : leur fils aîné, Hamza, a obtenu son brevet, un examen très important en Syrie. Oubliée, la maison détruite, le magasin du père saccagé, l’avenir assombri, l’heure était à la fête. Malgré les bombes, les tirs, et l’exode, nombreux sont les parents qui tentent de préserver la scolarité de leurs enfants.
Des enfants qui comptent bien, s’ils le peuvent, retourner sur les bancs de l’école. " C’est dimanche ! C’est dimanche ! ", criait dans le fond la petite Layal, évoquant la rentrée scolaire. Jointe par téléphone sa mère, institutrice, le confirme. " Cette semaine, c’est déjà censé être la rentrée des enseignants et dimanche les enfants ", dit-elle. " Enfin, là où ce sera possible ", ajoute-t-il tristement. Elle explique que tout le pays n’est pas à feu et à sang.
Cette mère de quatre enfants sait ce que cela signifie : de longs mois durant, aucun d’entre eux ne pouvait mettre le nez dehors en raison des violents bombardements qui s’abattaient sur leur petite ville de la province de Homs. "Les enfants n’allaient plus à l’école, il n’y a d’ailleurs plus d’école là-bas ", déplore-t-elle. Les violences devenant intolérables, ils prennent la fuite. Dès leur installation ailleurs, elle a inscrit les enfants dans le plus proche établissement. " On était en cours d’année et malgré les classes surchargées, les enseignants acceptent tous les enfants déplacés ", explique-t-elle. " Quand ils sont en cours, au moins ils étudient, et surtout, ils oublient un peu la tristesse ".
*Les noms ont été volontairement modifiés
Photo principale extraite d'un groupe pro-révolution sur Facebook.