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Harlem Désir prend la tête de la motion qui devrait, selon toute probabilité, être plébiscitée par les militants du Parti socialiste fin octobre. À 52 ans, l’ex-président de SOS racisme devrait donc succéder à Martine Aubry à la tête du PS.

"Je m’appelle Harlem Désir. Je suis né en 1959 et vis en Seine-Saint-Denis. J’ai été élu au Parlement européen pour la première fois en juin 1999, puis réélu en juin 2004, dans la circonscription Ile-de-France où je conduisais la liste du Parti socialiste, arrivée en tête." Ainsi commence l’autoportrait que l’élu socialiste brosse sur son blog "harlem-desir.fr". Icône des années 80, cette figure de proue de la lutte contre le racisme a su habilement s’imposer, au fil des années, au sein du Parti socialiste (PS). Homme du rassemblement pour les uns, élu passé maître dans l’art de la langue de bois pour les autres… Qui est celui qui sera succèdera, selon toute probabilité, à Martine Aubry à la tête du Parti socialiste ? Portrait.

"Touche pas à mon pote"

Né d’un père martiniquais et d'une mère d'origine alsacienne, Jean-Philippe Désir, de son vrai nom, s’engage très tôt en politique. Au début des années 1980, il travaille comme animateur radio et entre au bureau national du syndicat étudiant Unef-ID. Sa licence de philosophie en poche, il fonde en 1984, aux côtés de Julien Dray, l’association SOS Racisme, dont il assurera la présidence jusqu’en 1992. En 1985, le jeune Harlem Désir crève l’écran lors de ses premières apparitions télévisées. Le badge de la main jaune "Touche pas à mon pote" épinglée sur le pull, la coupe afro branchée, le militant incarne le rêve d’une société multiculturelle plus tolérante pour une jeunesse en quête d’égalité. Aux côtés de Bernard-Henri Lévy, Coluche ou Guy Bedos, Harlem Désir est de toutes les manifestations anti-racistes face au succès électoral grandissant du Front national.

En 1992, le militant associatif quitte SOS Racisme et fonde Le Mouvement puis Mouvement action égalité, qui se transforme quelques mois plus tard en club de réflexion, au moment où il choisit d’adhérer à Génération écologie. Après un bref passage chez les défenseurs de l’environnement, M. Désir rallie le PS en 1994. Le parti de gauche l'envoie faire ses preuves aux côtés des militants de la base, en Seine-Saint-Denis. Élu conseiller municipal d'opposition en 2001 à Aulnay-sous-Bois, il remporte en 2004 les élections européennes et prend la vice-présidence du Parti socialiste européen.

Avec la fin des années 90 arrivent les ennuis judiciaires. En 1998, il est condamné dans une affaire d'emploi fictif à 18 mois de prison avec sursis et 30 000 francs (environ 4 500 euros) d'amende pour recel d'abus de biens sociaux. Il bénéficie par ailleurs d’une amnistie de l’ex-président socialiste François Mitterrand pour une dette de 80 000 francs (12 200 euros) auprès du Trésor public, relative à des amendes de stationnement. "C'était une erreur, certains diront une erreur de jeunesse", résume simplement l’élu, au micro de France Info la veille de sa désignation pour mener la "motion de rassemblement" - une motion devrait lui ouvrir la voie à sa désignation, par les militants, comme Premier secrétaire du Parti socialiste.

Retour gagnant

Pendant la primaire socialiste de 2012, alors que Martine Aubry se porte candidate pour représenter le PS à la présidentielle, Harlem Désir assure l’intérim. Numéro deux du parti, c’est lui qui organise, coordonne et rassemble les troupes. "Le succès des primaires lui revient en grande partie", analyse Guillaume Bernard, maître de conférences à l’Ices (Institut catholique d'études supérieures), avant d’ajouter : "sa nomination au poste de premier secrétaire correspond à un moment où le parti socialiste au pouvoir a besoin de consensus. Son image d’homme rassembleur est celle dont le parti socialiste a besoin".

Adepte du compromis, Harlem Désir s’attire les railleries des journalistes politiques, qui fustigent son manque de prise de positions franches. En août dernier à La Rochelle, ils lui décernent même la palme de la "Langue de bois d'or". Une distinction que Malek Boutih, ancien président de SOS Racisme, ne contredit pas. "Quand on a son parcours, son identité, on n'arrive pas au poste de premier secrétaire du Parti socialiste sans faire quelques sacrifices. S'il l'avait ouvert à tort et à travers, aujourd'hui il n'en serait pas là."

Harlem Désir, président de SOS Racisme

"En théorie, il pourrait briguer une candidature à la présidence"

Pour Denis Pingaud, spécialiste de la gauche française, le militant de gauche réunit toutes les qualités pour faire un bon patron de la rue de Solférino. "Harlem Désir jouit d’une bonne image auprès des militants du PS. Il est à la fois sérieux, travailleur appliqué à la tâche, efficace tout en restant sympathique et chaleureux," affirme le politologue, au cours d’un entretien accordé à FRANCE 24. Le militant, pourtant, a perdu de sa superbe avec le temps. "Quand on parle de moi, aujourd'hui, la ligne directrice, c'est : 'Il était jeune et beau. Il est devenu sérieux et chiant'", confiait l’homme, dans les colonnes de Libération en 2009.

Harlem Désir a effectivement troqué sa coupe afro des années 80 pour une chevelure plus courte, un bouc poivre et sel et une paire de lunettes d’homme responsable. Serait-il en passe de devenir présidentiable ? Selon Guillaume Bernard, "il correspond en tout point à ce qu’attendent les militants du PS. En théorie, il pourrait briguer une candidature à la présidence après avoir dirigé la maison socialiste, comme François Hollande. Mais de là à dire qu’il puisse être désigné candidat par les socialistes puis élu par la majorité des Français, il y a un pas !" Et pourtant, qui aurait prédit, à leur arrivée à la tête du PS, que Lionel Jospin et François Hollande fréquenteraient les plus hauts sommets de l'État ?