
Très critiques à l’égard du nouveau plan de rachat de dettes dévoilé par le président de la BCE, les médias allemands jugent, ce vendredi, qu'il ne rend pas service à la zone euro et trahit la raison d’être de la Banque centrale européenne.
Des politiques allemands ont, depuis ce vendredi 7 septembre, une nouvelle idée : poursuivre la Banque centrale européenne (BCE) en justice. L’annonce faite jeudi par Mario Draghi, le patron de l’institution financière de Francfort, de relancer un programme d’achat de dettes des pays fragilisés de la zone euro a, en effet, énervé plus d’un responsable outre-Rhin, notamment à droite.
En déplacement, vendredi, en Autriche, la chancelière allemande Angela Merkel s'est fait l'écho des craintes exprimées vendredi 7 septembre par la presse allemande à propos du plan de rachat des dettes des pays européens en difficulté décidé la veille par la Banque centrale européenne (BCE).
Elle a notamment insisté sur la "conditionnalité" de ce programme, qui ne pourra être déclenché que si un État fait appel à une aide financière internationale. "Le contrôle et l'aide, ou le contrôle et les conditions, vont l'un avec l'autre", a ainsi assuré Angela Merkel.
Celle-ci a, en outre, tenu à souligner que l'institution financière de Francfort demeurait "indépendante", répondant ainsi aux critiques de ceux qui, en Allemagne, craignent que le plan de rachat de dettes fasse de la BCE le bras monétaire des États dépensiers.
À tel point que trois d’entre eux - Klaus-Peter Willsch, de la CDU (le parti de centre droit d’Angela Merkel) et les libéraux Frank Schäffler et Jörg-Uwe Hahn du FDP - ont fait part de leur intention de déposer plainte contre la BCE, qu'ils accusent "d’aller au delà de ses prérogatives de lutte contre l’inflation", devant la Cour de justice de l’Union européenne.
Une volonté qui reflète, à l’extrême, l’état d’esprit d’une majorité des commentateurs allemands, au lendemain des déclarations de Mario Draghi. “Une décision dangereuse”, juge ainsi la Süddeutsche Zeitung, le célèbre quotidien munichois (Bavière). Le nouveau plan de rachat de dettes de la BCE serait, pour ce journal pourtant marqué à gauche et peu enclin à défendre la rigueur à tout-va, une “prime au mauvais management” qui apparaît comme un blanc-seing donné aux pays européens ayant dépensé sans compter.
"Cadeau empoisonné"
Il s'agirait d'“un cadeau empoisonné” que la BCE viendrait de faire à l’Europe, avertit, de son côté, le Mittelbayerische Zeitung, un quotidien conservateur bavarois. Car, non seulement, ce nouveau programme validerait les dépenses passées, mais il justifierait en outre les futurs écarts au principe d’équilibre budgétaire auquel tient tant Berlin. “Si un État voit sa politique budgétaire sanctionnée par les marchés financiers, la BCE va venir à sa rescousse, le laissant libre de continuer à dépenser”, craint pour sa part le grand quotidien conservateur Frankfurter Allgemeine Zeitung.
Au-delà de ces critiques, les déclarations de Mario Draghi ont également été vécues comme un affront à la vision germanique du rôle de l’institution. “67 % des Allemands craignent un retour de l’inflation dans la zone euro contre laquelle la BCE est censée lutter”, souligne ainsi le quotidien économique Handelsblatt, qui explique que faire tourner la planche à billets pour racheter les dettes des pays fragilisés risquent de faire monter les prix.
Autre principe qui aurait été bafoué par Mario Draghi : l’indépendance de la BCE par rapport au pouvoir politique, calquée sur les statuts de la Bundesbank (Banque centrale allemande). “Mario Draghi aura beau dire qu’il n'est pas sous influence, on attendra désormais de la BCE qu’elle intervienne dès qu’un gouvernement crie au feu”, analyse le quotidien Die Welt.
Seule voix discordante - ou presque - dans ce concert de critiques, celle du Financial Times Deutschland, qui qualifie de “raisonnable et intelligente la position adoptée par Mario Draghi”. Le quotidien économique souligne que ce nouveau plan est “le seul moyen de rassurer ceux qui peuvent faire exploser la zone euro : les marchés financiers”. Une analyse avec laquelle les bourses semblent d’accord puisqu’au lendemain des annonces de la BCE, toutes les places financières européennes évoluaient à la hausse.