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Pauline Marois, la "Dame de béton", redonne espoir aux souverainistes du Québec

À l’issue des élections législatives anticipées, Pauline Marois devient la première femme à diriger un gouvernement au Québec. Une consécration pour cette souverainiste convaincue, mère de quatre enfants, à la carrière politique hors norme.

Face à ses militants en délire, tassés dans le Métropolis, une salle de concert branchée de Montréal, Pauline Marois exulte. Sa formation, le Parti québécois (PQ), a remporté, mardi 4 septembre, les élections législatives anticipées. C’est elle qui, à 63 ans, va succéder à Jean Charest à la tête du gouvernement québécois. "Pauline ! Pauline !" hurlent ses partisans. Trente ans qu’elle attend cette consécration. Elle la savoure, les yeux rieurs et le sourire lumineux. "L’avenir du Québec, c’est d’être un pays souverain", déclare-t-elle, déclenchant un tonnerre d'applaudissements. Une fleur de lys, symbole d’un Québec indépendant, scintille au revers de sa veste.

Le Québécois Jean Charest démissionne de la direction du parti libéral

Le Premier ministre sortant du Québec Jean Charest a annoncé mercredi sa démission de la direction du parti libéral, au lendemain de la défaite de sa formation aux législatives dans la province francophone du Canada.

Cette décision de M. Charest, 54 ans, était prévisible après son échec personnel dans sa circonscription de Sherbrooke, à 150 km à l'est de Montréal, où il a été battu par plus de 2.800 voix par un candidat du Parti Québécois (PQ, indépendantiste), vainqueur du scrutin provincial.

M. Charest a indiqué avoir consulté sa famille immédiate. "Je vous annonce une décision unanime: je quitterai la fonction de chef du Parti libéral du Québec dans quelques jours, dès que le prochain gouvernement sera formé", a-t-il déclaré aux médias à l'issue de son dernier conseil des ministres. (source AFP)
 

Soudain, le rêve tourne au cauchemar. Ses gardes du corps se précipitent sur la scène et l’évacuent en coulisses. La foule se tait, stupéfaite. Un homme, armé d’un fusil, vient d’ouvrir le feu dans la salle, tuant une personne et en blessant une autre. L’assaillant, filmé au moment de son arrestation, crie : "Les Anglais se réveillent !", puis, en anglais, "On va vous rendre la monnaie de votre pièce".

La question de la souveraineté du Québec, si chère à la nouvelle Première ministre, s’est imposée de la façon la plus violente qui soit dans le meeting de victoire. De cette soirée, qui devait être festive, il restera donc un goût amer. Si l’attaque a empêché Pauline Marois de goûter à l’ivresse du succès, elle ne devrait cependant pas entamer sa détermination à défendre la francophonie du Québec et l’indépendance de la Belle Province.

Défenseur de la langue française

Elle l’a affirmé pendant sa campagne et l’a répété le soir de sa victoire, avant l’attaque : au cours des 100 premiers jours de son mandat, elle renforcera la "Charte de la langue française", ou Loi 101, établissant le français comme langue officielle du Québec "dans toutes les sphères de la vie". Adopté en 1977, la portée du texte a été amputée par la Cour suprême d’Ottawa au fil des années (plus de 200 modifications y ont été apportées). "La Charte de la langue française doit être un texte fondamental garant de notre identité culturelle", a-t-elle assuré en août dernier. Mais au-delà de la langue, son cheval de bataille, son rêve le plus cher est de voir un jour le Québec gagner son indépendance vis-à-vis du reste du Canada. Elle se verrait bien organiser un troisième référendum sur la question, mais ne s’est pas aventurée à en faire la promesse : les deux précédents, en 1980 et 1995, se sont soldés par un échec. Pauline Marois a assuré qu’elle réalisera son objectif dès qu’une majorité "pour le projet du pays" se dessinera clairement. Mais pour l'heure, entre 30 % et 40 % des Québécois se déclarent favorables à l’indépendance.

"Le Parti québécois de Pauline Marois n’est plus le Parti québécois des années 2000", analyse Christian Rioux, correspondant à Paris du quotidien québécois "Le Devoir". "Après le 'Non' au référendum sur l’indépendance de 1995, le PQ est devenu un parti multiculturaliste, très peu affirmatif en termes de langues et d’indépendance. Avec Pauline Marois, il renoue avec ses origines souverainistes".

Souverainiste convaincue

En trente ans, elle s’est vu confier une quinzaine de portefeuilles ministériels successifs, notamment ceux de la Santé, de la Finance, du Commerce et de l’Éducation. "Personne, au Québec n’a occupé autant de ministères. C’est une femme qui a une très longue expérience politique, elle connaît par cœur les rouages du pouvoir", rappelle Christian Rioux. Cette ambitieuse politicienne a pris les rênes du parti en 2007, après deux tentatives infructueuses en 1985 puis en 2005. En 2011, elle essuiera une fronde de députés fustigeant son "autorité outrancière" et réclamant sa démission. La secrétaire générale mettra de l’ordre dans ses rangs et parviendra à garder sa place. Sa ténacité lui vaut le surnom de "Dame de béton".
 

Son diplôme de l’École des hautes études commerciales (HEC) de Montréal en poche – en plus d’une maîtrise en administration des affaires – elle signe son entrée en politique en intégrant, en 1978, le cabinet du ministre des Finances. L’année suivante, elle est nommée chef du cabinet de Lise Payette, ministre de la Condition féminine.  "Ma rencontre avec Lise Payette a été marquante. C’est là que je me suis mise à réfléchir sur la place des femmes en politique", raconte-t-elle en 2007, lors de son élection à la tête du PQ, sans savoir que 5 ans plus tard, cette mère de quatre enfants deviendrait la première femme chef de gouvernement au Québec…
 
Le verbe cinglant

Durant les mois qui suivent, notamment au cours de la campagne, elle ne fait pas mentir sa réputation. Elle fonce, balayant d’un revers de main les accusations de snobisme que lui valent sa richesse – elle est millionnaire – et son goût prononcé pour les bijoux et les vêtements couteux. Elle est taxée d’opportunisme lorsqu' elle épingle à sa veste un carré rouge, symbole des révoltes étudiantes, pour l’abandonner quelques semaines plus tard. Face aux attaques, elle se montre cinglante. À Jean Charest, Premier ministre pendant 9 ans et candidat à sa succession, qui reproche au PQ d’être lié à la corruption, Pauline Maoris réplique, acerbe : "C’est pas vous qui allez me donner des leçons d’intégrité, monsieur Charest. C’est indécent", avant d’énumérer la longue liste d’accusations dont est l’objet le gouvernement sortant.

Aujourd’hui au pouvoir, la Première ministre risque d’avoir bien du mal à tenir ses promesses. Le PQ n’est pas parvenu à décrocher la majorité au Parlement, il risque donc de bénéficier d'une marge de manœuvre limitée. Contrainte de gouverner avec ses adversaires, elle va devoir user de toute sa finesse pour tirer son épingle du jeu. Et, par-dessus tout, elle se voit contrainte d’oublier, pour un temps, certains sujets délicats… notamment la souveraineté du Québec, si importante à ses yeux.