Entre doute et ennui, l'université d'été du PS a fini comme elle a débuté. Seuls Manuel Valls, ministre de l’Intérieur, et Martine Aubry, qui entretient le doute sur sa succession à la tête du parti, ont sauvé le rendez-vous socialiste de la torpeur.
À La Rochelle, le Parti socialiste a davantage donné l’image d’un parti tétanisé par les enjeux de l’exercice du pouvoir que celle d’une formation politique qui cumule les succès. Car la gauche a tout et c'est historique : la présidence, la majorité au Parlement, le Sénat, les régions… Mais au moment où l’action du gouvernement se fait attendre, provoquant l’impatience des partenaires du PS, l’atmosphère est loin d’être bouillonnante à l’université d’été du parti à La Rochelle.
Sur les sujets sensibles de l’été - la crise de la zone euro, les plans sociaux ou encore l’expulsion des Roms - pas un mot, ou presque. Malgré quelques désaccords au sujet du traité budgétaire européen, le consensus s’est imposé, les participants ont évité tout conflit lors des ateliers et des débats. Leurs intitulés semblaient d’ailleurs n’avoir été conçus que pour endormir les plus énergiques : "Priorité à l’école", "la gauche, la droite et l’histoire", "la famille en 2012"…
Manuel Valls, star du gouvernement Ayrault
itC’était toutefois sans compter sur Manuel Valls. Le charismatique ministre de l’Intérieur, mobilisant tous ses talents d’orateur, est parvenu, samedi 25 août, à réveiller le rendez-vous socialiste. Accueilli en rock star sur le port de La Rochelle, il a défendu sa politique, notamment à l’égard des Roms. Cet été, une série de démantèlement de campements lui a valu de violentes critiques d’une partie de la gauche, et l’ironie mordante de la droite. "On ne peut pas laisser de véritables bidonvilles insalubres se développer en France", s’est-il justifié devant plusieurs centaines de militants. Plus tôt dans la semaine, sur l’antenne de BFM-TV, il avait assuré que la délinquance roumaine en France était "une réalité" qu’il ne fallait "surtout pas nier".
Si quelques moues ont accueilli les déclarations de Manuel Valls à La Rochelle, la polémique sur les évacuations de camps roms n’est visiblement pas parvenue à entamer la popularité du ministre. Il a même réussi à galvaniser la salle en défendant sa politique de fermeté. "L’ordre républicain va de pair avec l’ordre social", a-t-il affirmé, avant d’appeler à soutenir les policiers et les gendarmes. Quelques heures plus tôt, à Grigny, en région parisienne, deux fonctionnaires de la Brigade anti-criminalité ont été touchés par des tirs. "La gauche doit rétablir l’ordre républicain là où il y a un ordre de la jungle dans ces quartiers", a-t-il poursuivi. "Car ceux [qui tirent sur les policiers et les gendarmes] ne le font pas au nom d’une révolte ou d’une révolution mais pour empêcher que les forces de l’ordre interviennent dans les quartiers pour démanteler les trafics d’armes, les trafics de drogue", a-t-il ajouté, avant de faire une véritable déclaration d’amour à la République. "J’ai chanté la Marseillaise à tue-tête, parce que je ne veux pas que l’hymne national soit laissée à l’extrême droite !", a-t-il lâché devant une salle en délire.
Qui succédera à Martine Aubry ?
Après le départ du tribun, l’université d’été du PS est revenue à sa quiétude, à peine troublée par la visite du Premier ministre Jean-Marc Ayrault, qui, en jean et veste d’été, s’est prêté à l’exercice du "questions-réponses" avec les jeunes socialistes, ou par les spéculations quant à la succession de Martine Aubry. La première secrétaire du PS - à qui la presse vient de décerner le Prix grognon 2012 - laisse d’ailleurs planer le doute sur son éventuel départ de la tête du parti au congrès d’octobre à Toulouse. "J’ai encore un petit peu de travail pour m’assurer que le PS sera dans de bonnes mains et va sur les rails", a-t-elle déclaré, ménageant le suspens. "Martine ne s’interdit rien", glisse François Lamy, son bras droit, histoire de brouiller un peu plus les cartes.
itMais pour Jean-Marc Ayrault, le départ de l’actuelle première secrétaire semble acté : "Martine part en laissant un bilan qui fera date dans notre histoire, assure-t-il dans le "Journal du Dimanche". Nous devons maintenant choisir dans l’unité son successeur." Dans les rangs : le numéro 2 du PS, Harlem Désir, et le député de Paris Jean-Christophe Cambadélis. Sur ce terrain-là non plus l’université n’a pas connu d’étincelles. Pas de déclarations faussement courtoises ni de coups bas, les deux adversaires se livrent une bataille sur la pointe des pieds : polie, cordiale et discrète. À peine déclarée. Entre les deux candidats, "c’est cool", assure ainsi celui que ses camarades surnomment "Camba". "Nous sommes dans un combat amical", insiste-t-il, avant de concéder : "Ni moi, ni lui ne sommes à la manœuvre, c'est Martine". Les querelles intestines qui avaient déchiré le parti en 2008 semblent désormais bien loin… La victoire de mai dernier et le retour aux affaires du Parti socialiste ont semble-t-il apaisé les esprits.
Jean-Luc Mélenchon, adversaire du traité budgétaire européen, a appelé à une manifestation nationale à Paris pour réclamer un référendum sur sa ratification, dimanche en clôturant les Estivales citoyennes du Front de gauche à Saint-Martin-d'Hères, en Isère.
"Nous, Front de gauche nous adressons, non pas à ceux qui sont d'accord avec nous (...) mais à tous ceux qui veulent, personnes, organisations, associations, syndicats", un appel "à une manifestation nationale à Paris venant de tout le pays", a déclaré le dirigeant du FG, évoquant la nécessité d'"une sorte de comité national pour le référendum".
Source : AFP
Martine Aubry fait mine d’entretenir le suspens quant à son départ de la rue de Solferino, mais son discours de clôture de l’université d’été avait "bel et bien des accents d’au revoir. "Je suis et je serai toujours une militante", a-t-elle ainsi lancé à la foule, qui l'a longuement applaudie alors que fusaient des "Merci Martine !". D’ailleurs, à la manière d'un aveu sur le départ de son amie, François Lamy assure qu'elle "a une petite idée de qui elle préfère". Et, paraît-il, le nom de Cambadélis est de plus en plus prononcé dans les cercles proches de l’actuelle première secrétaire. "Jean-Christophe, sa marque de fabrique intellectuelle, c'est la gauche plurielle", explique Claude Bartolone, président de l’Assemblée nationale et proche de Martine Aubry.
Un atout donc pour améliorer les relations du Parti socialiste avec le Front de gauche et les écologistes. Des relations pour le moins tendues, notamment au sujet du traité budgétaire européen qui doit être ratifié en septembre. Lors des journées d’été d’Europe Écologie-Les Verts, plusieurs parlementaires ont ainsi fait savoir qu’ils voteraient contre. Et Jean-Luc Mélenchon, qui participait aux estivales citoyennes du Parti de gauche à Grenoble, a de nouveau sorti son arsenal anti-austérité. Le Premier ministre a beau exhorter la majorité à resserrer les rangs au sujet du traité européen, la rentrée s’annonce agitée. En tout cas bien plus qu’à La Rochelle en cette fin août.