
L'université d'été du Parti socialiste (PS), qui s’est ouverte vendredi à La Rochelle, revêt un caractère inhabituel : devenu majoritaire, la formation veut afficher de la cohérence. Malgré les dissensions qui persistent.
Au Parti socialiste (PS), on n’avait plus connu cela depuis 11 ans. Grâce à l’accession de François Hollande à l'Élysée, en mai dernier, finies les guerres ouvertes et les batailles de leadership pour désigner un candidat derrière lequel se rallier. Des tensions qui étaient chaque année particulièrement mises en lumière à la fin du mois d’août lors de la traditionnelle université d’été de La Rochelle. Pour cette édition 2012, le PS est majoritaire, l’ambiance est donc différente, même si des divergences persistent au sein des mouvements.
La présidente de la région Poitou-Charentes, qui a été battue aux législatives de juin - précisément à La Rochelle - par le dissident PS Olivier Falorni, a préféré se rendre en Afrique du Sud au congrès de l'internationale socialiste. Elle a fait savoir qu'elle suivait "de très près" cette université, lors d'un message lu à la tribune.
Les socialistes veulent une université "heureuse" mais "sérieuse", telle que l’a décrite la secrétaire générale du PS, Martine Aubry, ce vendredi 24 août. Jusqu’à dimanche, entre 4 500 et 5 000 personnes ne devraient pas bouder leur plaisir d’avoir vu la victoire de leur candidat en mai dernier. Cependant, depuis sa prise de fonction, le gouvernement s’est déjà heurté à l’aile gauche du parti, notamment sur le sujet des démantèlements des camps de Roms, et celui du traité budgétaire européen.
Le traité de la discorde
Négocié sous Nicolas Sarkozy, le traité budgétaire européen laisse perplexe la gauche de la gauche. Craignant une austérité durable, les détracteurs du pacte pointent du doigt la règle d’or, comprise dans le "paquet européen".
Le député de Seine-Saint-Denis, Razzy Hammadi, a annoncé clairement qu’il ne voterait pas le traité qui vient de recevoir l’approbation du Conseil constitutionnel. Depuis, d’autres lui ont emboîté le pas. "Malgré d’importantes avancées en matière de croissance obtenues par François Hollande, le pacte budgétaire européen n’a pas été renégocié pour l’instant", énonce Barbara Romagnan, figure de l’aile gauche du PS. D’ici le 12 septembre, les détracteurs du traité doivent décider s’ils déposeront une motion face à celle de l’axe majoritaire.
François Rebsamen, président du groupe PS au Sénat a, pour sa part, réagi en qualifiant de "très malvenues" les critiques adressées par certains à l’égard de la politique européenne.
Le président François Hollande perd 5 points de cote de confiance par rapport à juillet selon un sondage CSA-Les Echos, à 49%, passant sous les 50% pour la première fois depuis son élection, tandis que le Premier ministre Jean-Marc Ayrault perd 4 points, lui aussi à 49%.
49% des personnes interrogées font confiance au chef de l'Etat élu en mai "pour affronter efficacement les principaux problèmes qui se posent au pays", contre 54% en juillet, et 51% en juin.
47% des sondés ne font pas confiance à François Hollande (+5) et 4% ne se prononcent pas.
Pourtant, pas de quoi s’alarmer, selon David Revault d’Allonnes, journaliste politique spécialiste du PS au "Monde". "Du fait de ses participations au gouvernement, l’aile gauche du PS est tenue d’afficher sa solidarité malgré elle," explique-t-il. En effet, le représentant de ce courant dans le gouvernement Ayrault, Benoît Hamon, ministre de l'Économie solidaire, a jusqu’à présent été plus discret que ses camarades. "Il y a certes des doutes et des désaccords, mais c’est normal. On est loin des guerres civiles de ces dernières années," poursuit-il.
Du bal des ego au "défilé des ministres"
Le PS a en effet déjà vu pire. Parti de courants et de débats, les querelles internes sont historiques en son sein. En 2005, les désaccords entre partisans du "oui" et ceux du "non" au référendum sur la Constitution européenne avaient mené le parti proche d’une scission. Autre moment de friction, le congrès de Reims de 2008, censé désigner un remplaçant à François Hollande à la tête de la formation, avait donné lieu à un spectacle désolant. Opposant Martine Aubry à Ségolène Royal, le scrutin avait été entaché de fraudes.
"Cette année, l’ambiance est étonnamment apaisée, nous ne sommes pas habitués à cela, commente David Revault d’Allonnes, présent à La Rochelle. Maintenant, on assiste au défilé des ministres..."
Trouver un juste milieu
Invitée ce vendredi sur l’antenne de TF1, Martine Aubry, qui a annoncé qu’elle ne briguerait pas un nouveau mandat à la tête du parti en octobre prochain, a esquissé les nouveaux enjeux du PS. "Le parti doit épauler le gouvernement et préparer les idées de demain," a-t-elle annoncé se faisant l’écho du porte-parole du PS, David Assouline, selon qui, "il n'est pas question d'être un parti godillot".
Mais pour Stéphane Rozès, président de Conseils, analyses et Perspectives (Cap), contacté par FRANCE 24, La Rochelle est surtout l’occasion de relayer l’action du gouvernement. Raillés par l’opposition qui a dénoncé le laxisme des socialistes, les 100 premiers jours de François Hollande à la tête du pays ont également été considérés comme "creux" par le chef de file du Front de gauche, Jean-Luc Mélenchon.
Les socialistes comptent ainsi sur l’accalmie procurée par l’université d’été pour recentrer le débat sur l’objectif initial de François Hollande : redresser le pays en préservant son modèle social et économique. "Les Français ont noué un contrat avec François Hollande. Le rôle de la majorité est de montrer que la cohérence de la politique socialiste est préservée," explique Stéphane Rozès.