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Cachez ces ".sex" que l’Arabie saoudite ne saurait voir

Le royaume wahhabite a récemment lancé une offensive contre des nouvelles extensions sur l'Internet, attendues pour 2013. L’Arabie saoudite s’en prend surtout aux termes à connotation sexuelle, religieuse ou qui ont trait à la boisson.

Qu’ont en commun ".baby", ".vodka", ".bible" ou encore ".gay" ? Ces futurs noms de domaine potentiels sur l’Internet (l’équivalent d’un “.com”) sont dans le collimateur de l’Arabie saoudite. Le royaume wahhabite a multiplié, ces derniers jours, les recours auprès de l’Icann (l’organisme américain qui gère l’attribution des noms de domaine sur l’Internet) pour qu’il refuse de valider les dossiers concernant 32 extensions.

Si l'Icann l'accepte, à partir de la mi-2013, des sites pourraient en effet se décliner en ".gay", ou ".bible" plutôt qu'en ".com". Une perspective qui semble affoler Riyad.

Toutes ces requêtes du royaume ont été soumises sur le site de l’Icann par un certain Abdulmjid, qui affirme être un représentant de la Commission des technologies de l’information et de la communication (CITC) d'Arabie saoudite. La plupart des demandes, qu’elles concernent le ".sex" ou le ".suck", se fondent sur une offense supposée aux "valeurs et aux croyances religieuses d’un grand nombre d’individus et de communautés”.

Il brandit également l’argument du respect religieux pour réclamer le rejet des extensions ".bible" ou ".islam", mais également... de ".africamagic" qui mettrait en avant la magie noire, un concept "offensant pour les musulmans et les chrétiens". Enfin, des considérations plus géopolitiques apparaissent lorsqu’il s’agit de faire barrage au ".persiangulf" ou au ".gcc" (pour Gulf Cooperation Council), l'Arabie saoudite militant énergiquement en faveur de l'appellation "Golfe arabique" pour la mer qui borde sa côte est.

".lol" et géopolitique

En juin 2012, l’Icann a révélé avoir reçu des demandes de création de 1931 nouvelles extensions, de la part d'entreprises, de pays et de villes. Google souhaite ainsi pouvoir gérer le ".youtube" ou le ".lol", tandis que la Ville de Paris s’intéresse au “.paris”.

Depuis lors, et jusqu’au 26 septembre, les internautes peuvent exprimer leurs objections auprès de l'Icann pour qu’il rejette une proposition d’extension ou bien qu’il retienne une candidature plutôt qu’une autre (plusieurs organismes peuvent vouloir le même nom de domaine). Pour l'heure, l'Arabie saoudite, par le biais du CITC, est le seul État à tenter aussi activement de s’opposer à la mise en place de toute une série de nouveaux noms de domaine.

Si tout ce qui évoque le sexe soulève une vague de protestations, d’autres thématiques sont tout aussi disposées à créer des cyber-prises de bec. Les conflits géographiques donnent ainsi lieu à des discussions sans fin prouvant que le cyberespace n’est pas si déraciné que ça. L'extension ".patagonie" est ainsi l'objet de débats vigoureux entre les internautes. Certains souhaitent voir l'Argentine, et uniquement elle, gérer ce nom de domaine, d'autres estiment que ".patagonie" ne doit pas être détenu par un pays seulement, cette région s'étendant également sur le Chili...

Quant aux noms de domaine en chinois, ils sont prétextes à de vives discussions entre internautes taïwanais et ceux de Chine continentale. Ces derniers s’inquiètent du fait que certaines sociétés taïwanaises puissent jouir de la gestion des premières extensions écrites en chinois.

Parce qu'ils le valent bien

Les considérations économiques sont souvent aussi au cœur de batailles acharnées autour de ces noms de domaines. Ainsi, le géant français des cosmétiques L’Oréal, qui a été très actif lors du dépôt des demandes de créations d’extensions (".hair", ".beauty", ".salon"), se voit ardemment combattu par ses concurrents Yves Rocher ou L’Occitane. Ces derniers ne veulent pas voir "des termes aussi génériques que "beauty" devenir le miroir du seul L’Oréal sur l’Internet". Le laboratoire Pfizer vient également mettre des bâtons dans les roues de ceux qui s’intéressent d’un peu trop près à des termes liés à la pharmacie.

Enfin, certaines joutes autour de ces fameux "pointquelquechose" ont même des dimensions quasi-philosophiques. C’est le cas pour le ".art" qui concentre à lui seul une dizaine de pages de discussions. Les internautes se demandent notamment si une structure à but lucratif peut s’accaparer le contrôle - même seulement via son extension - d’un terme aussi ouvert et multiforme que "art".