
Le général dissident Manaf Tlass, ancien intime de Bachar al-Assad a déclaré travailler à un plan de sortie de crise. Une initiative bien perçue par l'Occident mais loin de faire l'unanimité au sein de l’opposition.
Quelques semaines après sa défection, le général syrien Manaf Tlass fait part de ses intentions : il se pose en rassembleur. "J'essaie, autant que je peux, d'aider à unifier les gens honnêtes en Syrie et à l'étranger pour élaborer une feuille de route en vue d'une sortie de crise", a ainsi déclaré cet ancien ami intime de Bachar al-Assad, dans un entretien paru dans le quotidien saoudien al-Sharq al-Awsat.
Manaf Tlass se dit prêt à coopérer avec le Conseil national syrien (CNS), principale formation de l'opposition, et l'Armée syrienne libre (ASL), formée de déserteurs et de civils armés, sans exclure pour autant les "honnêtes" du régime. "Ils sont nombreux au sein du régime à ne pas avoir du sang sur les mains", a-t-il justifié.
Perçu comme le "candidat idéal"
"Manaf Tlass peut être considéré comme le candidat idéal pour jouer ce rôle de rassembleur", estime Frédéric Pichon, docteur en histoire et spécialiste de la Syrie, interrogé par France24.
L’un de ses "atouts" est d'être l’un des rares sunnites à avoir fait partie des premiers cercles du pouvoir aux mains de la famille Assad et de la minorité Alaouite, note l’historien.
Originaire de la ville de Rastane, dans la lourdement réprimée province de Homs, Manaf Tlass a rapidement désapprouvé la répression violente exercée par le pouvoir sur le soulèvement qui secoue la Syrie depuis le 15 mars 2011.
Cette prise de position de l’ancien général de la Garde républicaine, unité chargée de la protection du régime, lui a valu d’être mis à l’écart depuis près de 18 mois. "Il n’a donc pas les mais sales", souligne Frédéric Pichon.
Selon l'historien, "Manaf Tlass pourrait, en théorie, susciter un consensus des puissances occidentales autour de sa candidature. Les Américains, les Turcs, les Saoudiens mais aussi les Russes n'y verraient pas d’objection. Malgré la confiance affichée, les grandes puissances connaissent mal l’opposition syrienne. C'est pour cette raison qu'ils défendent cette solution de transition".
Le général dissident s'est déjà rendu officiellement en Arabie saoudite pour effectuer un pèlerinage, et en Turquie où il a rencontré jeudi le ministre des Affaires étrangères Ahmet Davutoglu.
"L'opposition est loin de voir d’un bon œil l’initiative de Tlass"
Reste à savoir si l’opposition est prête à se ranger derrière cette figure pour mener la transition. "L’opposition est loin de voir d’un bon œil l’initiative de Tlass ", prévient Frédéric Pichon.
Car Manaf Tlass n’est autre que le fils du général Moustapha Tlass, ancien ministre de la Défense et ami de longue date de Hafez al-Assad, père de l'actuel chef de l'Etat. Il est d’ailleurs le ministre syrien qui est resté le plus longtemps en poste sous l’ère des Assad. Personnalité longtemps honnie par les opposants syriens, Manaf Tlass a fait partie de la "nomenklatura" syrienne et a été l'ami d'enfance de l'actuel président, Bachar al-Assad.
L'opposition est divisée à son sujet. Si certains jugent possible de travailler à la transition politique avec des membres du régime n’ayant pas de sang sur les mains, d’autres refusent catégoriquement.
Georges Sabra, porte-parole du CNS, a déclaré lundi que l’instance regroupant les principaux courants de l’opposition syrienne était prête à accepter une transition menée par un membre du régime.
Une affirmation aussitôt démentie par un communiqué officiel du CNS. "La présidence du pouvoir transitoire sera attribuée à une personnalité nationale de consensus de l'opposition qui n'a pas fait partie du régime".
Une position ambigüe
Si Manaf Tlass peine encore à convaincre, c’est en partie en raison de l’ambiguïté qui sous-tend ses déclarations. De quoi rajouter à la méfiance qu'il inspire à certains milieux d’oppositions.
Tout en souhaitant la fin du régime Assad, le général dissident semble, à chaque déclaration, mettre un point d’honneur à ménager ses anciens camarades militaires. Manaf Tlass se refuse ainsi à condamner les membres de l’armée restés fidèles aux régime.
Rien de surprenant pour Frédéric Pichon car le risque d’un éclatement de l’armée doit avant tout être évité. "Tlass et les puissances occidentales ont conscience qu’il faudra composer avec l’armée de Bachar al-Assad pour garder une relative unité et éviter que le scénario irakien ne se répète en Syrie".