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L'Espagne peut-elle entraîner l'Allemagne dans sa chute ?

L'agence de notation Moody's a abaissé la perspective de la note souveraine allemande, lundi soir. Une décision motivée, selon elle, par le risque d’un effondrement économique et financier de l'Espagne. Explications.

L’Allemagne ne fait plus exception. L’agence de notation Moody’s a abaissé, lundi soir, la perspective de la note souveraine allemande de stable à négative. La première économie européenne, symbole de rigueur et de stabilité budgétaire "made in Europe", pourrait donc perdre son précieux triple A. Les Pays-Bas et le Luxembourg sont, par ailleurs, désormais logés à la même enseigne. Aux yeux de Moody’s, il n’y a donc plus que la Finlande qui mérite la meilleure note.

Selon le communiqué de presse de Moody’s, cette première fissure dans la carapace économique de l’Allemagne viendrait du risque croissant de voir l’Espagne demander un soutien financier international plus important que le récent plan d’aide à ses banques validé vendredi 20 juillet par l'Eurogroupe [un mécanisme selon lequel les enseignes espagnoles peuvent emprunter jusqu'à 100 milliards d'euros au Fonds européen de stabilité financière (FESF), le fonds de soutien financier européen]. Une nouvelle sollicitation qui viendrait, elle, sérieusement grever les finances des principaux pays contributeurs au FESF, telles l'Allemagne et la France.

“C’est le scénario catastrophe que nous redoutons tous et qui, s’il avait lieu, pourrait aller jusqu'à ébranler l’économie allemande”, confirme Danielle Schweisguth, économiste spécialiste de l’Espagne à l’Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE). Selon elle, le risque principal viendrait, pour l’Allemagne, du secteur financier. Certaines banques allemandes, qui comptent parmi les plus exposées en Europe aux dettes des pays économiquement fragilisés, ne pourraient effectivement pas survivre à un effondrement de l’Espagne et auraient besoin d’être renflouées. L’Allemagne aurait alors à assumer en plus un coûteux plan de sauvetage de ses propres établissements bancaires.

Aider sans en avoir l’air

Sans compter, en outre, que son modèle économique en prendrait un coup, lui aussi. “La croissance allemande repose beaucoup sur ses exportations vers les pays de la zone euro, qui ont de moins en moins d’argent pour importer”, explique Danielle Schweisguth.

Un vaste plan d’aide sur le modèle de ce qui a été fait pour la Grèce, l’Irlande ou le Portugal est donc la dernière chose que l’Allemagne et l’Union européenne veulent voir arriver. Dans un premier temps, l’Europe peut, certes, espérer un relâchement de la pression des marchés financiers sur l’Espagne. “Au taux actuel, Madrid peut encore tenir plus d’un an”, estime Danielle Schweisguth.

Mais cette spécialiste ne voit pas pour quelles raisons l’Espagne bénéficierait d’une soudaine clémence des marchés financiers, tant la récession et la crise y semblent bien installées. Il faudrait donc que l’Europe vienne à l’aide de la quatrième puissance économique européenne... sans en avoir l’air. L’UE, d'ailleurs, aurait déjà commencé. “Le plan d’aide aux banques espagnoles reste flou sur ce que Madrid pourrait faire avec la somme non utilisée par les banques”, note ainsi Danielle Schweisguth. Une estimation faite le 21 juin par des cabinets d'audit évalue, en effet, l’effort de recapitalisation du secteur bancaire à 62 milliards d’euros seulement, sur les 100 milliards qui lui ont été alloués.

La Commission européenne a, par ailleurs, laissé entendre, début juillet, qu’elle pourrait permettre à l’Espagne de repousser ses objectifs de réduction de déficit budgétaire, ce qui pourrait permettre à Madrid de dégager un peu de marge de manœuvre pour relancer son économie. Compte tenu du poids économique de l’Espagne, l’UE s’apprêterait donc à être bien plus compréhensive avec elle qu’avec la Grèce ou avec l’Irlande, toutes deux soumises à de sévères cures d’austérité. “Il faudrait surtout agir avec suffisamment de doigté pour qu’Athènes, Dublin ou Lisbonne ne réclament pas la même clémence”, conclut Danielle Schweisguth.