Paris a, pour la première fois, ce lundi, emprunté à court terme à des taux d’intérêt négatifs. Toutefois, selon l'économiste Pascal de Lima, la confiance des marchés dans la dette d'un État se mesure surtout par rapport aux emprunts à long terme.
Les investisseurs se sont rués, lundi, sur les bons à court terme du Trésor français. Conséquence : les taux des obligations à trois et six mois ont été négatifs (respectivement -0,005 % et -0,006 %) pour la première fois de l’histoire en France. En clair, Paris remboursera moins que le montant emprunté puisque les investisseurs sont prêts à perdre une petite somme d'argent sur ces opérations. L’Agence France Trésor (AFT), qui gère la dette de l'État, a ainsi placé près de 6 milliards d'euros de bons, soit le maximum de ce qu’elle comptait lever sur les marchés.
Paris rejoint ainsi le club très fermé de l’Allemagne, des Pays-Bas ou encore de l’Autriche qui parviennent, depuis le début de l’année, à placer leurs bons du Trésor à des taux négatifs.
Alors que le taux auquel l’Espagne emprunte à dix ans atteignait récemment les 7 %, cette évolution semble indiquer que les marchés financiers font de la France un havre de sécurité financière. Pascal de Lima, économiste et enseignant à Sciences-Po, juge toutefois qu’il ne faut pas en tirer de conclusions trop hâtives.
FRANCE 24 : Pourquoi des investisseurs acceptent-ils d’emprunter à des taux négatifs ?
Pascal de Lima : La plupart des banques et fonds de pension ont comme règle d’avoir dans leurs portefeuilles des placements sûrs. Les emprunts à court terme d’un pays qui, comme la France, détient un triple A auprès de deux agences de notation sur trois rentre dans cette catégorie.
Étant donné qu'il y a de moins en moins de placements dans ce cas-là, ces investisseurs sont obligés de se rabattre sur les quelques émissions de bons, qui restent des valeurs refuge, même si cela signifie qu’ils vont perdre un tout petit peu d’argent.
FRANCE 24 : Est-ce que ça veut dire que le risque d’un scénario à la grecque ou à l’espagnole s’éloigne pour la France ?
Pascal de Lima : Il faut se méfier des effets d’annonce. Les bons du Trésor à court terme sont des assurances tout risque dans des stratégies d’investissement global. Ces taux négatifs ne peuvent se comprendre que si on analyse tous les autres placements, qui servent, eux, à prendre des risques pour gagner de l’argent. Ce sont surtout les emprunts à long terme qui indiquent si les marchés ont confiance ou non dans la dette d’un pays.
FRANCE 24 : Qu’en est-il alors pour la France ?
Pascal de Lima : Lors du dernier placement de bons à 10 ans, la semaine dernière, le taux a atteint un rendement moyen de 2,70 % contre 3,50 %. Cela donne en effet l’impression que les choses vont bien pour Paris. Mais cela montre aussi que pour l’instant, la France bénéficie de la tempête que traversent d’autres pays et qui transforme les bons du Trésor en valeurs refuge.