"Je pense que nous pouvons dire que nous sommes entrés dans la Grande Récession", a déclaré sur FRANCE 24 le directeur général du FMI, Dominique Strauss-Kahn. Il évoque un possible retour à la croissance en 2010.
AFP - La crise financière et économique la plus grave depuis la Grande dépression n'en finit pas d'empirer et divise gouvernants et économistes, les plus optimistes prévoyant une embellie dès la fin 2009, les plus sombres envisageant une décennie perdue à la japonaise.
La quasi paralysie du marché du crédit plonge l'économie entière dans un cercle vicieux: immobilier, investissement et consommation flanchent, le chômage s'envole, les marchés plongent, avec des indices boursiers au plus bas depuis 12 ans à Wall Street et depuis 26 ans à Tokyo.
La crise a fait fondre les actifs financiers dans le monde de quelques 50.000 milliards de dollars, évalue la Banque asiatique de développement.
La Banque mondiale (BM) et le Fonds monétaire international (FMI) tablent désormais sur une croissance mondiale négative cette année "pour la première fois" depuis 1945, souligne la BM, qui anticipe aussi le "plus fort déclin en 80 ans" du commerce mondial.
La banque Natixis s'attend elle à une baisse de 1% du produit intérieur brut (PIB) planétaire en 2009, souligne son économiste Evariste Lefeuvre, mais table sur une remontée de la croissance au deuxième semestre, de l'ordre de 1% à 1,5%, alimentée "par la dépense publique".
Reste à savoir si les plans de relance budgétaires seront maintenus l'an prochain, sans quoi, il pourrait y avoir "une petite reprise fin 2009 et un nouveau plongeon en 2010", nuance M. Lefeuvre.
Jean-Claude Trichet, président de la Banque centrale européenne, fait le pari d'une "reprise" en 2010, arguant de l'"engagement des gouvernements" à empêcher la faillite de banques systémiques, et soulignant l'impact "positif" des plans de relance et du repli du prix des matières premières.
Mais beaucoup se montrent plus circonspects. Dominique Strauss-Kahn, patron du FMI, souligne que la reprise ne viendra début 2010 qu'à la condition que "l'assainissement du secteur financier" soit achevé.
Sans quoi les mesures de relance budgétaire des gouvernements, ou monétaire des banques centrales, qui ont massivement baissé leurs taux d'intérêt, ne pourront jouer pleinement leur rôle.
"Tant que les banques seront paralysées, l'économie ne repartira pas", renchérit Michel Aglietta, économiste du Centre d'études prospectives et d'informations internationales, qui fustige la réponse "au coup par coup" des Etats face aux faillites bancaires.
"Quand on comprendra que tout le système bancaire est dans l'insolvabilité virtuelle, on prendra une mesure globale et stratégique", ajoute-t-il.
Cela passe selon lui par la création de structures de défaisance ("bad bank") pour sortir les actifs toxiques des bilans bancaires, voire par des nationalisations, comme au Royaume-Uni.
Les yeux sont tournés vers le sommet du G20 à Londres début avril dans l'espoir de mesures coordonnées à l'échelle planétaire, qui restent hypothétiques.
Les Européens, eux-même divisés, refusent notamment d'augmenter leurs dépenses budgétaires de relance comme le demandent les Américains.
Entre-temps, "la situation pourrit", constate Michel Aglietta, qui avertit du risque de voir une récession déjà sévère se transformer en dépression durable.
Un avis partagé par l'économiste américain Nouriel Roubini qui, cité par le New York Times, agite le spectre d'une dépression "comme celle vécue par le Japon dans les années 1990".
Le président de la Réserve fédérale américaine, Ben Bernanke, spécialiste de la crise de 1929, n'est guère plus encourageant. Il a déclaré mardi que "le monde souffre de la pire crise financière depuis les années 1930".
Mais il ne prévoit toutefois pas de déflation, c'est à dire une spirale de baisse des prix, pas plus que son homologue français Christian Noyer ne le prévoit pour la France et la zone euro.