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La nation fête 50 ans d'indépendance avec un sentiment d'inachevé

Les festivités battent leur plein depuis mercredi, à l'occasion des 50 ans de l'indépendance algérienne. Mais au-delà de la joie de façade, presse privée et habitants se disent frustrés et déçus des espoirs qu'ils avaient placés dans leur pays.

AFP - L'Algérie fête jeudi ses 50 ans d'indépendance arrachée par la force d'une révolution aux résultats inachevés, pour ceux qui avaient rêvé d'un pays libre et développé eu égard aux immenses richesses en hydrocarbures.

Le coup d'envoi des célébrations, prévues jusqu'au 5 juillet 2013, a été donné mercredi soir près d'Alger par une comédie musicale majestueuse et des feux d'artifice à travers tout le pays.

Première démarche du président de la République jeudi matin: Abdelaziz Bouteflika s'est rendu au monument des martyrs sur les hauteurs d'Alger pour se recueillir à la mémoire des centaines de milliers de combattants contre la France, l'ancienne puissance coloniale.

Un million et demi d'Algériens ont péri durant cette guerre de sept ans et demi, selon Alger.

Entouré des hautes autorités militaires et civiles, M. Bouteflika, 75 ans, lui-même un ancien combattant, a déposé une gerbe de fleurs devant cet imposant monument qui domine la baie d'Alger.

Le chef de l'Etat a ensuite présidé la cérémonie annuelle de promotion d'officiers supérieurs de l'armée. Trente-et-un colonels sont devenus des généraux, dont une femme Fatma Boudouani -la deuxième à ce rang dans l'armée-, dix généraux obtenant le grade de général major.

Et comme tous les ans, M. Bouteflika a gracié des détenus -au nombre et à l'identité non précisés- qui n'ont pas été impliqués dans les violences islamistes durant la guerre civile des années 90, qui a fait 200.000 morts.

"Les héros du destin", interprétés par 800 artistes dans la ville portuaire de Sidi Fredj (ouest d'Alger) ont donné le coup d'envoi des célébrations, mercredi soir avant un gigantesque feu d'artifice dans cette ville portuaire où les Français avaient débarqué en 1830.

Le spectacle, dédié à la lutte des Algériens contre la colonisation française a été retransmis en direct par la télévision. Jeudi soir, Alger attendait un second feu d'artifice géant au-dessus du sanctuaires des martyrs.

Dans le vieil Alger, le concert des Beurs toulousains de Zebda a fait un tabac, retransmis par la radio algérienne avec le concours de Radio France. Un clin d'oeil à tous les Algériens de l'étranger.

Pour donner un écho international à cette célébration, les autorités ont fait diffuser un publi-reportage de 16 pages par le quotidien français Le Monde. Le président Bouteflika et certains ministres y qualifient de positif le bilan de ces 50 ans. Le tout, selon des sources informées citées par les journaux El-Watan et Dernières Nouvelles d'Algérie, pour un coût d'un million et demi d'euros.

Des lendemains qui déchantent

Mais la presse privée dans son ensemble dresse un bilan critique de ce demi-siècle.

"Des espoirs fous à la réalité sordide", titrait jeudi en Une le quotidien francophone Le Soir, qui fait un rapide survol de la révolution engagée dans le socialisme avant que le pays ne sombre dans l'"anarchie", le "bazar" et une "guerre civile impitoyable".

"Libérée, regrette le quotidien Liberté dans un éditorial, l'Algérie n'a même pas eu le temps de savourer sa victoire que des clans se sont déchaînés pour la prise du pouvoir".

Pour l'ensemble des journaux, l'échec majeur reste l'incapacité du pays à sortir de son statut d'Etat rentier, avec 98% de recettes issues des hydrocarbures. L'an dernier, le secteur industriel représentait 5% du PIB.

Jeudi matin, les PME ont publié une lettre ouverte au président de la République lui demandant son aide pour relancer l'économie en leur facilitant les démarches administratives et financières soumises à "une extrême lenteur".

Pour marquer cet anniversaire, quelques dizaines de chômeurs et de familles de disparus de la guerre civile ont tenté jeudi à Alger une manifestation, selon la Ligue algérienne pour la défense des droits de l'homme (LADDH). Ils ont été dispersés sinon interpellés par les forces de l'ordre.

Malgré le chômage de plus de 20% des jeunes, qui constituent les deux-tiers de la population, la joie est perceptible ces jours-ci dans les artères citadines illuminées et décorées de centaines de drapeaux et logos du cinquantenaire.

La jeunesse algérienne, avide d'intensité, crie et danse ces jours-ci au son de concerts organisés un peu partout jusque tard le soir, une habitude qu'elle avait perdue avec la guerre civile.