En visite officielle en Irlande du Nord, la reine Elisabeth a échangé mercredi une poignée de main historique avec l’ex-membre de l'Armée républicaine irlandaise Martin McGuinness. Un symbole de réconciliation après 30 ans de troubles dans la région.
Le geste tant attendu a eu lieu à huis clos. Réunis à Belfast, la reine Elisabeth II et le vice-Premier ministre nord-irlandais Martin McGuinness ont échangé, mercredi 27 juin, une poignée de main symbolique, temps fort d’une visite de 48 heures entamée la veille par la souveraine en Irlande du Nord. Organisé à l’occasion des célébrations du jubilé de diamant, ce déplacement est considéré comme historique, quatorze ans après la signature des accords de paix en Irlande du Nord entre les unionistes, partisans du maintien de la province dans le Royaume-Uni, et les républicains, qui militent pour l’unification de l’île.
Historique pour deux raisons. D’une part, pour la première fois, la reine se déplace en Irlande du Nord en ayant dévoilé son itinéraire à l’avance. Une preuve ostensible de l’amélioration des conditions de sécurité dans la région, sujette à d’importants troubles pendant trente années. Mais surtout, la rencontre organisée avec Martin McGuinness a cela de particulier que l’homme, ancien dirigeant de l’Armée républicaine irlandaise (IRA), fut longtemps un ennemi juré de la famille royale.
Selon Sophie Loussouarn, spécialiste de l’histoire politique et économique du Royaume-Uni, contactée par FRANCE 24, cette visite véhicule un message de réconciliation : "La reine Elisabeth II est très respectée en Irlande du Nord car elle incarne un facteur d’unité de la nation britannique. C’est une visite sans précédent". Après son arrivée, mardi 26 juin, la reine a assisté à un office religieux organisé dans la cathédrale de la ville, un symbole très important pour la communauté catholique.
La rencontre entre Elisabeth II et Martin McGuinness sonne également comme une réconciliation personnelle : en 1979, lord Mountbatten, le cousin de la reine, avait été assassiné aux larges des côtes d’Irlande par l’IRA. Entre 1968 et le 10 avril 1998 - date des accords de paix du Vendredi saint - les violences dans la province semi-autonome sous domination britannique ont fait au total plus de 3 500 morts.
La stratégie du Sinn Fein
Militant pour la réunification de la République d’Irlande et de l’Irlande du Nord, le Sinn Fein, la branche politique de l’IRA, avait boycotté les précédents passages d’Elisabeth II en Ulster. Numéro 2 du parti, Martin McGuinness - qui fut aussi l’un des acteurs principaux des accords de paix - s’était pourtant dit prêt, en septembre 2011 alors qu’il s'était engagé dans la course à la présidentielle irlandaise, à rencontrer la reine s'il était élu.
"Il s'agit de tendre la main de la paix et de la réconciliation à la reine Elisabeth qui représente des centaines de milliers d'unionistes dans le Nord", a commenté le catholique de 62 ans.
Pour Maurice Goldring, professeur émérite à l'université Paris-VIII, auteur de "Irlande : Histoire, Société, Culture", joint par FRANCE 24, "le Sinn Fein s’est rangé derrière un compromis qu’il a longtemps combattu. Sa stratégie est une stratégie de reconquête, qui consiste à redorer l’image du parti, composé d’anciens terroristes, et à se tailler une place politique de choix".
Cependant, selon le spécialiste, la rencontre reste un "non évènement". "C’est une visite qui ne suscite ni haine, ni enthousiasme, plutôt de l’indifférence, car elle ne s’intègre plus dans le conflit. Elle permet de renforcer un processus de paix déjà engagé, ce qui n’est pas inutile, mais on reste dans le symbole."