Le 15 juin, l’administration Obama annonçait la signature d’un décret qui suspend sous conditions et durant deux ans l’expulsion de jeunes sans-papiers. Une mesure vue comme une opération de séduction auprès des Latinos avant la présidentielle.
Mitt Romney et Barack Obama se sont rendus, respectivement jeudi 21 et vendredi 22 juin, au congrès annuel d’une importante association latino en Floride, la Naleo (Association nationale des élus et des responsables hispaniques). L’occasion pour les deux hommes qui briguent la présidence des Etats-Unis de courtiser l’électorat hispanique, très concerné par la situation des immigrés illégaux, dont le nombre est estimé à 11,5 millions aux États-Unis et dont la majorité sont originaires du Mexique et d’Amérique centrale.
Lors de cette visite, le président sortant a été chaleureusement applaudi par les participants, qui ont réservé un accueil bien plus mesuré à Mitt Romney. Pour cause, l’administration Obama avait annoncé six jours plus tôt la signature d’un décret qui permettrait à environ 800 000 immigrés clandestins d’éviter l'expulsion durant deux ans et de travailler sur le territoire américain. Ce texte, présenté vendredi 15 juin par Janet Napolitano, la secrétaire d’ État à la Sécurité intérieure, concerne spécifiquement les jeunes de moins de 30 ans qui sont entrés sur le territoire américain avant leur 16 ans. Ils doivent être diplômés ou militaires de carrière et n’avoir aucun antécédent judiciaire. Un geste politique qui va permettre à Barack Obama de redorer son image auprès des Latinos.
Pallier l’échec du Dream Act
Selon America’s Voice, un groupe de défense des immigrés, il s’agit de l’une des plus importantes mesures en matière d’immigration aux Etats-Unis depuis 25 ans. Par ce décret, Obama est parvenu à contourner le Congrès. Pour Paul Vallet, maître de conférence à Sciences Po Paris spécialiste des États-Unis, il s’agit d’une mesure électoraliste qui sert avant tout à pallier l’échec du projet de loi Dream Act, bloqué au Congrès depuis 2010. "Le président des États-Unis n’a jamais réussi à faire passer ce projet de loi qui était en fait l’une de ses promesses de campagne", explique-t-il. À la différence du nouveau décret adopté, Dream Act permettrait d'accorder la nationalité américaine aux jeunes militaires ou diplômés de l'enseignement supérieur arrivés illégalement sur le territoire des États-Unis pendant leur enfance.
Le décret, précise d'ailleurs America’s Voice, "n’ouvrira pas la voix à la citoyenneté" à ces 800 000 jeunes "mais il leur ôtera la crainte d’un retour à la frontière". Au cours des quatre dernières années, l’administration Obama a en effet mené une politique agressive d'expulsions : près d’un million d’immigrants illégaux ont été reconduits à la frontière par l’Autorité de contrôle de l’immigration et des douanes (ICE) depuis 2008, soit 30 % de plus que lors du deuxième mandat de George Bush, selon le Pew Hispanic Center, basé à Washington DC. "S'il était venu aux congrès de la Naleo les années précédentes, Obama se serait fait quelque peu huer pour l'intensité et la sévérité des expulsions", indique ainsi à l'AFP Pilar Marrero, journaliste experte des questions d'immigration.
"Obama est parvenu à remobiliser les Latinos, qui représente 7,4 % de l’électorat", explique Paul Vallet. D’autant que Mitt Romney peut difficilement être plus populaire que lui auprès des Américains d’origine sud-américaine : contraint de durcir son discours afin de courtiser la frange radicale du parti républicain, Romney a soutenu une loi très répressive et controversée sur l'immigration adoptée en Arizona en 2010. Selon un sondage paru le 22 juin aux Etats-Unis, Obama, qui avait réuni 67 % des voix latinos en 2008 au niveau national, recueillerait 63 % du vote hispanique dans cinq Etats-clés contre 37 % pour M. Romney.