Le juge antiterroriste français Marc Trévidic a obtenu aux États-Unis des éléments laissant à penser que l'assassinat du journaliste américain Daniel Pearl et l'attentat de Karachi survenus en 2002 sont étroitement liés.
AFP - La piste d'un parallèle entre l'assassinat du journaliste américain Daniel Pearl et l'attentat de Karachi en 2002, est de nouveau étudiée par le juge antiterroriste parisien en charge de l'enquête qui recevait lundi les familles de victimes.
Marc Trévidic leur a présenté les résultats de commissions rogatoires lancées aux Etats-Unis, et notamment une audition d'Omar Cheikh, un Pakistano-Britannique considéré comme l'organisateur de l'enlèvement du journaliste Daniel Pearl.
Pris en otage en janvier 2002 au Pakistan, le reporter du Wall Street Journal, dont la femme était française, avait été exécuté par ses ravisseurs moins d'un mois plus tard.
Le 8 mai, un attentat à la voiture piégée visant un autobus qui transportait des ingénieurs de la Direction des constructions navales (DCN) faisait 15 morts, dont 11 salariés de la DCN à Karachi.
Dans les deux affaires, la piste islamiste avait été privilégiée.
Or après l'enlèvement de M. Pearl, ses ravisseurs avaient envoyé deux courriels aux autorités américaines exigeant la livraison d'avions de combat F-16 promise dans un contrat signé avec le Pakistan en 1990.
"Cette hypothèse a déjà été évoquée en 2008 mais en allant aux USA, le juge Trévidic a constaté l'authentification des mails", a déclaré à l'AFP Marie Dosé, avocate de deux familles.
"Les deux mails authentifiés indiquent qu'il ne s'agissait pas de Al-Qaïda mais plutôt des nationalistes à cause des F-16", selon elle.
En 2008 cette piste avait été mentionnée dans un rapport, le rapport Nautilus, fait pour le compte de la DCN par un ancien agent de la DST Claude Thevenet. M. Thevenet avait évoqué le "contrat des F-16 gelé par le Département d'Etat" et lié l'assassinat du journaliste et l'attentat de Karachi, considérant que le premier "aurait pu constituer un avertissement" pour que la France honore le versement de commissions prévues par le contrat d'armement Agosta signé avec le Pakistan en 1994 et gelées en 1996.
Avocat d'autres familles de victimes, Me Olivier Morice s'est étonné que les responsables de la DST, aient toujours affirmé n'avoir eu connaissance "à aucune moment" d'un lien entre l'enlèvement de M. Pearl et le contrat des F-16. "Or cette revendication a eu lieu", note l'avocat. De même pour la DST, "les accusations sous-entendues dans le rapport Nautilus n'étaient pas sérieuses", selon Me Morice qui voit "une similitude très intéressante dans les deux dossiers".
Dans les deux cas, selon lui, "les personne présentées comme auteurs de l'assassinat et de l'attentat" sont "innocentes". Il y a d'ailleurs eu réouverture de l'enquête Pearl il y a quelques mois", a-t-il noté.
En outre dans les deux affaires, "il y a un délai important" entre les revendications faites à propos de contrats et les mises en oeuvre des menaces. Aux USA, M. Trévidic a par ailleurs rencontré Randal Bennett, un expert américain qui s'était rendu sur la scène de l'attentat deux minutes après. D'après ses conclusions, "on ne peut plus du tout affirmer que le corps autopsié était un kamikaze", selon Me Dosé.
De 2002 à 2007, le juge d'instruction chargé de l'enquête, Jean-Louis Bruguière, a privilégié la thèse d'un attentat kamikaze perpétré par un islamiste d'Al-Qaïda. M. Trévidic a ensuite orienté son enquête vers une attaque qui serait liée avec l'arrêt, en 1996, du versement de commissions liées à des contrats d'armement avec la France.
Deux juges du pôle financier de Paris tentent de vérifier si ces contrats conclus en 1994 ont généré des rétrocommissions qui auraient pu contribuer au financement illicite de la campagne d'Edouard Balladur pour la présidentielle de 1995.