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envoyé spécial au Sommet de Rio+20 – Le Brésil, pays hôte du sommet des Nations unies sur le développement durable, tente de boucler à l’arraché un projet de texte final que pourraient voter les 120 chefs d’État et de gouvernement attendus à Rio à partir de mercredi.
Au Riocentro, immense parc des expositions situé à trente kilomètres du centre-ville, les négociations sur un projet de texte commun s'enlisent et le temps presse. Cent-vingt chefs d'État et de gouvernement sont attendus à Rio, du 20 au 22 juin, pour le sommet Rio+20 des Nations unies sur le développement durable. Vendredi soir, le dernier round de négociations sous l'égide de l'ONU s'est achevé sans accord sur l'ensemble du texte. C'est le Brésil, pays hôte de la conférence, qui a pris les rênes des négociations pour tenter d'éviter l'échec tant redouté.
Reconnus en octobre dernier par l'Unesco - Organisation des Nations unies pour l'éducation, la science et la culture, les Palestiniens demandent une participation « de statut plein » à la conférence de l'ONU Rio+20. Ils espèrent pouvoir compter sur le soutien du Brésil, pays hôte de la conférence, qui a reconnu l'État palestinien.
En conférence de presse, Nikhil Seth, directeur du développement durable de l'ONU et chef du secrétariat de Rio+20, a fait état de « discussions » en cours. La question devra être tranchée dès l'ouverture du sommet, le 20 juin, lorsque les règles de participation seront définies en séance plénière.
Un texte réduit pour parer à l'urgence
Seuls 38 % du texte, 81 pages, soit 116 paragraphes sur les 315 du document, on été approuvés par les délégués qui travaillent dessus depuis cinq mois. Des pourcentages auxquels tout le monde se réfère pour faire bonne figure, mais qui ne signifient pas grand chose. En effet, un certain nombre de paragraphes ne font que rappeler les engagements du premier Sommet de la Terre, à Rio, en 1992, et d'autres conférences internationales qui se sont tenues au cours des vingt dernières années.
Antonio de Aguiar Patriota, ministre brésilien des Affaires étrangères (photo), a annoncé que son pays se donnait jusqu'à lundi 18 juin au soir pour rendre sa copie afin qu'un texte soit présenté à l'ouverture de la conférence, le 20. Pour l'instant, le Brésil s’est contenté de reprendre le "brouillon" en l'état et de le lisser, en retirant les parenthèses litigieuses. "Le texte a beaucoup maigri", a déclaré le ministre devant la presse.
"Plus court ne veut pas dire plus faible", a souligné dimanche Nikhil Seth, directeur de la division du développement durable à l'ONU et chef du Secrétariat de Rio+20, lors du point de presse quotidien. "On doit aller au-delà de la négociation point par point, mot par mot. Il reste encore du temps, il faut savoir quoi en faire", avait-il expliqué la veille, notant que le Brésil avait choisi de faire un texte "équilibré".
"Pas de miracle politique en vue. Il y a un trop grand nombre de termes ambigus", estime Lasse Gustavsson, chef de la délégation du WWF International à Rio+20, après avoir lu la proposition brésilienne. "On espère que [les négociateurs] ont prévu assez de café (…) parce qu'ils ont quelques longues nuits devant eux s'ils ne veulent pas embarrasser leurs patrons", ajoute-t-il.
Accords et désaccords
Un des principaux points de blocage, c'est la question des "responsabilités communes mais différenciées" ou "proportionnelles", introduite par le Sommet de Rio en 1992. Ce principe, qui vise à imposer moins de devoirs aux pays en développement pour ne pas freiner leur croissance, est considéré comme dépassé par les Occidentaux. Certains pays considérés comme émergents hier sont aujourd'hui parmi les plus gros consommateurs de ressources naturelles.
La question du cadre institutionnel du développement durable sera également débattue du 20 au 22 juin à Rio. La France souhaite pousser pour la création d'une Organisation mondiale de l'environnement, sous la forme d'une autorité analogue à l'OMC (Organisation mondiale du commerce). Une proposition déjà formulée dans le passé par Jacques Chirac et reprise par François Hollande.
Paris peut compter sur le soutien d'une majorité de pays africains mais se heurte à l'opposition ferme des États-Unis, du Canada, de la Russie ainsi que celle du G77 (les pays émergents) qui redoutent qu'on mette des barrière à leur développement. L'idée a donc peu de chances d'aboutir. Mais « il est possible que la Chine suive. On me dit aussi que l'Inde ferait mouvement », indiquait en début de semaine la ministre française de l'Écologie, Nicole Bricq.
La question des transferts de technologie aux pays en développement nécessaires au passage à une économie verte fait également blocage. Le Brésil et d'autres pays du G77 (coalition de 132 pays en développement) ont proposé la création d'un fonds de 30 milliards de dollars par an. Une idée qui fait grincer des dents les pays occidentaux, en pleine crise économique.
En revanche, "l'approche du concept d'économie verte n'est plus un problème majeur", s'est réjouit Nikhil Seth. Mais l'expression "économie verte" disparaîtrait au profit de "politique d'économie verte", qui laisse plus de libertés dans sa mise en œuvre.
Si le Brésil continue ses consultations à Rio, les regards sont également tournés vers Los Cabos, au Mexique, où se tient lundi et mardi un sommet du G20 auquel participe la présidente brésilienne Dilma Rousseff. Même si le négociateur brésilien pour Rio+20, Luiz Alberto Figueiredo, a annoncé que la présidente "ne discutera pas de Rio+20 à Los Cabos", certains souhaiteraient qu'elle aborde le sujet avec les 19 autres chefs d'État et de gouvernement des pays les plus riches. Lasse Gustavsson, du WWF International, aspire à ce que "les leaders du G20 réunis au Mexique donnent un coup d'accélérateur à Rio" arguant qu'il n'y a pas de stabilité économique possible sans développement durable sur le long terme.
Face à la tournure actuelle des événements, nombreux sont ceux qui craignent un texte bricolé à la dernière minute, comme cela avait été le cas en 2009 au sommet de Copenhague sur le changement climatique, où les dirigeants avaient trouvé à leur arrivée un texte plein de trous. Et si la délégation brésilienne ne le reconnaît pas ouvertement, le bruit court dans les couloirs du Rio Centro que Brasilia plancherait sur l'écriture d'un texte totalement nouveau... pour éviter un flop.