Les marchés financiers ont accueilli favorablement le plan de soutien européen aux banques espagnoles. Mais si elle fait les affaires de Madrid, cette perfusion risque aussi de faire grincer des dents en Grèce, en Irlande et au Portugal...
Le plan de soutien européen aux banques espagnoles semble satisfaire tout le monde. Aussi bien en Asie qu’en Europe, les marchés financiers évoluent à la hausse, ce lundi 11 juin, dénotant d’un sursaut d’optimisme quant à la situation au sein de la zone euro. L’action de la banque Bankia, dont la quasi-faillite a précipité l’aide internationale, a même regagné 18 % à l’ouverture de la Bourse de Madrid, alors qu'elle avait chuté de 43 % depuis la mi-mai.
Cet optimisme des investisseurs fait écho à celui de Mariano Rajoy. Le président du gouvernement espagnol a, en effet, assuré, dimanche, que cette aide au système bancaire espagnol - qui pourrait atteindre 100 milliards d’euros - était “une victoire pour la crédibilité de l’euro”. Luis de Guindos, son ministre de l’Économie, s’est, quant à lui, félicité qu’elle n’implique “aucune condition imposée [par l'Union européenne (UE), la Banque centrale européenne (BCE) et le Fonds monétaire international (FMI), NDLR] à la société espagnole”.
Une manière de dire que Madrid s’en tire mieux que la Grèce, le Portugal ou encore l’Irlande, les trois autres États membres de la zone euro qui ont été contraints à d’importantes mesures d’austérité pour bénéficier d’un plan de sauvetage international.
L’Espagne se refuse d’ailleurs de parler d’un quelconque “sauvetage” en ce qui la concerne. “Contrairement aux trois autres pays, ce n’est pas l’État qui reçoit une aide mais uniquement les banques”, confirme Danielle Schweisguth, spécialiste de l’économie espagnole à l’Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE).
“Too big to fail”
Le pays semble, en effet, avoir gagné au loto de l’euro. Ses partenaires mettent à la disposition de ses banques un prêt de 100 milliards d’euros que Madrid peut utiliser à volonté pour apurer les comptes du secteur. Ce prêt viendra, certes, alourdir la dette espagnole qui équivaut à 68 % du PIB, mais ce sont les banques qui devront s’acquitter des intérêts.”Il faut bien reconnaître que l’Espagne a bénéficié d’un coup de pouce généreux de la part de l’Europe”, assure ainsi Danielle Schweisguth.
Ces conditions avantageuses, Madrid les doit avant tout à son statut de “too big to fail” (“trop important pour faire défaut"), croit savoir cette spécialiste. “Les autres pays qui ont reçu un soutien financier international ne sont économiquement pas aussi importants pour l’ensemble de l’Europe et on pouvait donc leur imposer des conditions plus dures”, estime-t-elle. Si l’Espagne, quatrième puissance économique de la zone euro, se retrouvait dans une récession à la grecque à la suite d'une politique d’austérité drastique dictée par Bruxelles, elle risquerait d’entraîner les autres pays avec elle.
Pour autant, l’Allemagne, gardienne du temple de l’austérité budgétaire européen, n'entend pas signer un chèque à Madrid sans broncher. Wolfgang Schäuble, le ministre allemand des Finances, a ainsi averti, ce lundi, que l’Europe allait garder un œil sur la manière dont l’Espagne organise le sauvetage de ses banques et sur l’impact que cela aura sur les finances publiques espagnoles. Joaquin Almunia, le commissaire européen à la Concurrence, a renchéri, lui, en assurant que "personne ne prête de l'argent gratuitement et qu'on veut toujours savoir ce qui en est fait". En clair : Bruxelles restera à l’écart de la politique économique espagnole tant que Madrid gardera le cap de la rigueur que la gouvernement Rajoy a imposée depuis près d’un an...
Deux vitesses
Reste que les conditions de ce prêt risquent d’irriter les autres pays européens qui ont bénéficié d’une aide internationale. “L’Irlande, qui avait un problème similaire d’insolvabilité de ses banques, peut juger qu’il y a là une politique du deux poids, deux mesures”, admet Danielle Schweisguth. Du coup, rien ne dit que Dublin ne cherchera pas à renégocier son prêt afin de pouvoir bénéficier des mêmes conditions que Madrid.
En Grèce également, où les plans d'austérité se succèdent depuis des mois, la pilule risque d'avoir du mal à passer. L'UE devrait d'ailleurs le savoir dès dimanche prochain, jour où les Grecs sont rappelés aux urnes pour élire à nouveau leurs députés : il ne fait en effet aucun doute que les partis contestataires comme l’extrême droite ou la gauche radicale, sortis grands vainqueurs du scrutin du 6 mai, ne manqueront pas de s'emparer de cette apparente générosité à l’égard de l’Espagne pour nourrir leur discours anti-austérité auprès des électeurs.