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Commissaire européen au Marché intérieur et aux Services, Michel Barnier a présenté un plan de gestion de crise visant à éviter un renflouement des banques par les États. Décryptage avec Sofiane Aboura, maître de conférences à Paris-Dauphine.

"Nous ne voulons plus que les contribuables paient, les banques doivent payer pour les banques." Le message du commissaire européen au Marché intérieur et aux Services se veut fort. Alors que l'Espagne - dont Bankia, la troisième banque du pays, connaît une situation critique - vient de lancer un appel à l'aide à l’Europe pour recapitaliser ses banques, Michel Barnier a présenté, mercredi 6 juin, un plan de gestion des crises pour qu'à l'avenir les pouvoirs publics ne soient plus amenés à renflouer les banques. Par cette déclaration, la Commission européenne fait un premier pas vers une union bancaire qu'appelle de ses vœux la Banque centrale européenne (BCE).

Parmi les mesures invoquées, l’obligation pour les banques et les autorités chargées de la résolution des crises de mettre en place des plans de redressement. En cas de non respect des exigences, les autorités de surveillance pourront intervenir en exigeant la mise en place des dits plans. Une proposition législative jugée nécessaire par Sofiane Aboura, maître de conférences en finances à l’université Paris-Dauphine, qui voit dans ce message une volonté de donner à l’Europe une position commune.

FRANCE 24 : Pourquoi une telle proposition maintenant ?
Sofiane Aboura : En 2008 déjà, au début de la crise économique, la question d’un changement de régulation financière avait été posée, avant la légère accalmie de 2009. Aujourd’hui, l’actualité impose plus que jamais une prise de mesures, notamment avec la débâcle des banques grecques et de l’espagnole Bankia. Il est temps : aux États-Unis, le projet de loi Volcker [dont l'entrée en vigueur prévue pour juillet 2012 a été reportée, NDLR] vise à interdire aux banques de dépôt de spéculer pour leur propre compte; en Grande-Bretagne, on s’appuie sur le rapport John Vickers [qui prévoit la séparation des activités de crédit et de marché, NDLR]. Mais l’Union européenne, elle, n’a pas encore statué sur la question.

Parmi les formes d’intervention envisageables en cas de sauvetage figure la possibilité qu’une banque en difficulté soit reprise par un concurrent en bonne santé. Comment jugez-vous cette mesure ?
S. A. : Ce n’est pas une nouveauté et cela a, notamment, déjà été le cas de la banque franco-belge Dexia. Plus généralement, ces propositions ressemblent au "Living Wills" en vigueur aux États-Unis, un testament rédigé par les banques dans l’hypothèse où elles iraient mal. L’idée est qu’elles réfléchissent, en amont, au scénario qu’elles souhaiteraient voir appliqué en cas de faillite, ou à une éventuelle restructuration. Dans le cas de Lehman Brothers en 2008, si un testament avait été élaboré, peut-être que cela aurait pu éviter des pertes conséquentes. Plus généralement, cela permettrait d’éviter une crise de panique.

Cette proposition traduit-elle une inflexion au niveau européen en matière de régulation financière ?
S. A. : Sans représenter un tournant, elle vise à réaffirmer une position commune initiée par Bruxelles. Néanmoins, la tâche de la Commission européenne est ardue car il n’y a pas d’unanimité eu Europe : les États ne souhaitent pas tous réguler de la même manière. La Grande-Bretagne, par exemple, fait office d’entité à part : le secteur bancaire y est surdimensionné par rapport à son économie. L’Allemagne, quant à elle, refuse non seulement de mutualiser les dettes des États mais également les pertes des banques. Je ne crois pas au grand soir en ce qui concerne le secteur bancaire : il est déjà l’un des secteurs les plus régulés au monde, ce qui n’a pas empêché des crises majeures. La régulation est certes nécessaire, mais il faut mettre en place une supervision à la hauteur des enjeux.