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Le sur-place de la diplomatie russe face au bain de sang syrien

Le président russe Vladimir Poutine est en visite ce vendredi à Paris où il doit rencontrer François Hollande. Le président français espère le faire fléchir sur le dossier syrien.

Le président russe Vladimir Poutine, qui entame son troisième mandat au Kremlin, est en visite à Berlin puis à Paris ce vendredi. Il doit dîner avec François Hollande à l’Élysée dans la soirée. Les deux hommes feront connaissance mais ils évoqueront  aussi le dossier syrien. Le président russe fait face à de fortes pressions visant à infléchir son soutien à Damas ; la Syrie sera également au menu du sommet Russie-Union européenne dimanche et lundi.

Alors que François Hollande a récemment haussé le ton à propos de la situation en Syrie, n'excluant pas une intervention armée sous mandat de l’ONU, la Russie continue de défendre le régime syrien. Pour le vice-ministre russe des Affaires étrangères, Andreï Denissov, "parler d'une intervention extérieure, c'est plutôt la manifestation d'émotions politiques que d'évaluations, d'une analyse ou d'une approche pondérée".

Pour justifier leur position, les Russes brandissent l'exemple de la résolution 1973 du Conseil de sécurité de l’ONU concernant la Libye. Les forces engagées avaient outrepassé le mandat des Nations unies – autorisant des frappes aériennes ciblées en Libye pour défendre les populations civiles – aboutissant à la mort du dictateur Mouammar Kadhafi. La menace d’un veto russe plane sur tout projet de résolution concernant la situation en Syrie.

Il y a une semaine, une dizaine de pays, dont la Grande-Bretagne, la France et l'Allemagne, ont annoncé l'expulsion des représentants syriens en poste chez eux, à l'instar des États-Unis. Une mesure jugée "contre-productive" par Sergueï Lavrov, le ministre russe des Affaires étrangères. La chef de la diplomatie américaine, Hillary Clinton, a par ailleurs directement mis en cause les Russes, en estimant "que leur politique allait contribuer à une guerre civile". Mais le Kremlin s'est montré insensible aux pressions. "La position de la Russie est bien connue, elle est équilibrée, constante et absolument logique", a déclaré jeudi le porte-parole du Kremlin, Dmitri Peskov.

Moscou, appui quasi inconditionnel de Damas

"Traditionnellement, la Russie a toujours eu des liens très étroits avec la Syrie (…) Quand on va en Syrie, on se rend compte que tout l’armement est russe, qu’il y a un nombre de ressortissants russes extrêmement important et que l’influence russe transparaît dans la gestion du pays", explique Armelle Charrier, spécialiste de politique internationale à FRANCE 24. Le 22 mai dernier encore s’ouvraient à Moscou des négociations techniques, scientifiques et économiques entre Syriens et Russes.

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Au-delà des intérêts économiques, la position géographique de la Syrie est un enjeu stratégique pour la Russie, et ce depuis la Guerre froide. Le port en eaux profondes de Tartous est le seul point d’ancrage méditerranéen de la Marine russe.

Moscou craint en outre d’avoir affaire à des soulèvements sur son propre sol. "La Russie craint l’islamisme sur son propre territoire, dans le Caucase notamment, donc pour elle, assurer un régime laïque en Syrie est une manière de défendre sa propre stabilité", assure Armelle Charrier. L’arrivée au pouvoir par les urnes des islamistes dans les pays ayant connu un printemps arabe conforte la position moscovite.

Faire durer la paralysie de l’ONU

Jusqu’où ce soutien indéfectible va-t-il aller ? C’est la question qui se pose alors que des massacres sont survenus en Syrie, notamment à Houla, et que la contestation s’est étendue à Alep il y a quelques jours. Après une campagne aux accents antioccidentaux, Vladimir Poutine a été élu dans des conditions contestées par l’opposition, qui est descendue à plusieurs reprises dans les rues de Moscou. "Ce président affaibli se sent fort grâce à son veto", explique la politologue Marie Mendras ce vendredi dans le quotidien Libération. "Le président russe a intérêt à faire durer la paralysie de l’ONU et à soutenir le régime syrien", conclut Marie Mendras.

Ce qui conduit nombre d’experts à conclure que les Russes camperont sur leur position, à moins que ne se profile un plan "à la yéménite" suggéré par Barack Obama. Selon le quotidien américain The New York Times, Washington aurait en effet proposé à Moscou un projet de sortie de crise impliquant le départ de Bachar al-Assad au terme d’une période de transition calqué sur celui qui a permis l’éviction de l’inamovible président Ali Abdallah Saleh à Sanaa. Ce dernier, au pouvoir pendant 33 ans, a cédé son poste en février dernier en échange d’une immunité et de l’élection de son vice-président à la tête du Yémen. "L’idée n’a pas été balayée de la main par Moscou", rappelle Armelle Charrier, "puisque Lavrov, le ministre russe des Affaires étrangères, avait dit que la Russie était davantage préoccupée par la sécurité d’un pays que par celle d’un régime". Reste que "la position russe appuie celle de Bachar al-Assad qui est de dire que ce pays n’est ni plus ni moins qu’attaqué par des pressions étrangères qui veulent faire tomber le régime (…) donc c’est un pays allié qui se défend et qu’il faut épauler", conlut la spécialiste politique internationale de FRANCE 24.

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