Ils étaient attendus vendredi soir au Liban, où l'annonce de leur libération avait été fêtée par leurs proches (photo). Mais les otages libanais enlevés le 22 mai dans le nord de la Syrie sont toujours aux mains de leurs ravisseurs.
L’annonce de leur libération vendredi 25 mai avait été célébrée par des feux d’artifice dans la banlieue sud de Beyrouth, bastion chiite de la capitale libanaise. Mais les onze otages libanais ne sont jamais arrivés à l’aéroport de Beyrouth où les attendaient leurs familles accompagnées de ministres et de dignitaires religieux. Et pour cause, ils sont toujours en Syrie, où ils ont été enlevés le 22 mai dans la province d'Alep, dans le nord du pays. Un rapt qui n’a toujours pas été revendiqué officiellement.
Pourtant le dénouement heureux de cette affaire avait été annoncé par le gouvernement libanais, confirmé par le Hezbollah ainsi que par les autorités turques qui affirmaient que les otages étaient désormais sur leur territoire. Le leader du parti chiite, Hassan Nasrallah, avait même, fait rare, remercié publiquement son rival politique Saad Hariri, qui devait rapatrier les otages à bord de son avion personnel, via la Turquie.
Zones d’ombre
Cette confusion totale qui a consterné les familles des captifs a facilité la propagation de rumeurs et d’informations erronées. À plusieurs reprises, des responsables politiques de haut rang ont été obligés de démentir les nouvelles faisant état de l’exécution des otages chiites par leurs ravisseurs sunnites. D’aucuns au Liban craignent un dénouement tragique, qui envenimerait une situation déjà tendue dans un pays en proie à des tensions confessionnelles entre chiites et sunnites sur fond de crise syrienne. Les principaux partis chiites, le Hezbollah et Amal, ont d’ailleurs multiplié les appels au calme et enjoint leurs partisans de ne pas descendre dans les rues pour manifester leur colère. Du moins tant que Beyrouth et Ankara assurent que les otages "sont en très bonne santé" et que la situation reste incertaine.
Pélerins chiites ou membres du Hezbollah ?
Toutefois, Houssam Awwak, un général syrien rebelle, a donné du crédit aux nombreuses rumeurs faisant état de la présence de membres du Hezbollah parmi les otages. Interrogé le 27 mai par
la télévision libanaise LBCI, le chef du Rassemblement des officiers libres opposés au régime de Bachar al-Assad a affirmé que pas moins de cinq cadres importants du parti chiite étaient aux mains des ravisseurs. Selon lui, le bus transportant les pèlerins a attiré l’attention des ravisseurs, qui appartiennent à la Brigade des martyrs de la révolution "que ne reconnaît pas l’ASL", en raison de ses arrêts fréquents devant des positions rebelles.
De son côté, le journal "L’Orient-Le Jour", citant "une source bien informée", affirme que parmi ces cinq personnes se trouve un élément "très bien connu pour servir de lien entre Damas et Téhéran et pour entraîner les chabbiha syriens [milices pro-gouvernementales ndlr]". Des affirmations rejetées en bloc par le parti de Hassan Nasrallah, allié de Damas et souvent accusé par l’opposition syrienne de participer à la répression en Syrie. Le Hezbollah a même publié un communiqué pour nier le fait que "ni le neveu de Sayyed Nasrallah, ni aucun de ses proches" ne font partie des captifs.
Partie d’échec
Cet imbroglio politico-diplomatique risque de prolonger la détention des otages, selon le chef démissionnaire du Conseil national syrien (CNS), Bourhan Ghalioun. "Les choses ne sont pas claires et il se peut qu’il n’y ait pas de libération dans les prochaines heures", a-t-il déclaré le 27 mai au cours d’une conférence de presse à Istanbul. Outre le soupçon qui pèse sur l’identité réelle des otages, "qui s’il se confirme pourrait compromettre la libération de l’ensemble des otages" juge un ancien député libanais contacté par FRANCE 24, la multiplicité des intermédiaires constitue un autre obstacle de taille.
"Comme souvent au Moyen-Orient, il s’agit d’une partie d’échec qui oppose non pas deux joueurs, mais plusieurs, résume sous couvert d’anonymat un haut fonctionnaire libanais proche des dossiers sécuritaires, contacté par FRANCE 24. Cette affaire implique d’une part le régime syrien et les rebelles, et d’autre part les Turcs et la classe politique libanaise, qui veulent chacun de leur côté apparaître comme les libérateurs." Et de conclure : "En essayant de tirer la couverture vers elle, chaque partie tend à compliquer l’affaire, à retarder la libération des otages et faire monter les enchères".