Depuis l'adhésion de la Lettonie à l'Union européenne, les jeunes Lettons n'ont qu'une idée en tête : quitter le pays. Face à la baisse préoccupante de la population, le gouvernement a fait de la natalité et du retour de la diaspora une priorité.
AFP - Une blague sur la fuite de cerveaux qui partent vers les pays anglo-saxons fait rire bien des Lettons, mais les experts de ce pays balte ont de quoi s'inquiéter et n'hésitent pas à parler d'un "désastre démographique" en perspective.
"En 2030 le dernier Letton éteindra la lumière à l'aéroport de Riga, c'est la blague qui circule", raconte Aldis Austers, président de l'Association des Lettons en Europe, une ONG des Lettons vivant en dehors de cette ancienne république soviétique devenue indépendante en 1990.
Les chiffres sont impitoyables: la population du pays est passée de 2,2 millions d'habitants en 2000 à 2 millions l'année dernière.
Si rien n'est fait pour arrêter l'exode, la population lettone pourrait tomber en 2030 à 1,6 million d'habitants, selon un pronostic gouvernemental.
Le pays voit ainsi sa population vieillir, explique Mihails Hazans, professeur à l'Université de Lettonie.
"La majorité des émigrants lettons sont jeunes. Environ 80% d'entre eux n'ont pas 35 ans, d'où un vieillissement plus rapide de la population sur place", souligne-t-il en parlant de "désastre démographique".
Peu de chances de voir ces jeunes émigrés revenir au bercail, selon M. Hazans. "En trois ans, le pourcentage de Lettons souhaitant revenir dans leur pays dans un proche avenir est passé de 10% à 3%", explique-t-il.
La Grande-Bretagne et l'Irlande restent les destinations préférées d'émigration depuis l'adhésion de la Lettonie à l'UE en 2004. L'exode a atteint son record quand le pays a basculé en 2008-2009 dans la plus grave crise depuis l'indépendance, l'économie lettone se contractant de 25% et le taux de chômage grimpant à 20% de la population active.
Pour Inna Steinbuka, représentante de la Commission européenne à Riga, la fuite de cerveaux "n'est plus une menace, mais un fait réel".
Le ministre de l'Economie Daniels Pavluts ne cache pas non plus son inquiétude.
"En 2020, la population en âge de travailler va baisser de 15%, alors que la demande pour la main d'oeuvre due à la croissance économique augmentera de 10%", explique-t-il à l'AFP.
Selon lui, il est "prioritaire pour le pays" d'arrêter cette tendance et de faire revenir la diaspora lettonne. "Attirer de la main d'oeuvre étrangère devrait être une solution de dernier recours", estime-t-il.
Le Premier ministre Valdis Dombrovskis a mis en place une cellule spéciale pour encourager l'amélioration de la natalité et le retour des spécialistes au pays.
Un meilleur accès aux crèches et le financement de programmes favorisant la fécondité figurent parmi ses priorités. Pour encourager le retour de scientifiques lettons émigrés, M. Dombrovskis souhaite utiliser notamment des fonds européens.
"Mais la principale raison de l'exil c'est la situation économique: chômage et manque d'emplois bien rémunérés. Nous devons nous y concentrer avant tout, pour résoudre le problème de l'émigration", déclare le Premier ministre à l'AFP.
Le problème touche les familles lettonnes et surtout les enfants qui en souffrent en premier lieu.
"Quand les parents vont travailler à l'étranger, leurs enfants sont souvent laissés seuls, en proie à des stress fatals pour leur personnalité", explique Dace Beinare, une éducatrice de SOS Villages d'enfants, une association mondiale qui s'occupe d'orphelins.
"De nombreux enfants sont confiés à leurs grands-parents, ce qui signifie en fait qu'ils sont abandonnés. C'est une forme de violence. Ils sont forcés à prendre des responsabilités qu'ils sont incapables d'assumer à leur âge", explique-t-elle à l'AFP.
"Leurs problèmes psychologiques deviendront dans l'avenir ceux de la société toute entière: les problèmes de santé, les troubles psychologiques et le mal à s'adapter à la société, ainsi que le manque de confiance en soi et en ses propres qualités", souligne-t-elle.