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Chargé de former un gouvernement en Grèce, Alexis Tsipras, le chef de file de la gauche radicale, refuse de se plier aux mesures d'austérité. Berlin menace de ne verser aucune aide si les conditions du plan de sauvetage ne sont pas respectées.

REUTERS - Le chef de la Coalition de la gauche radicale grecque, Alexis Tsipras, chargé de former un gouvernement de coalition, va consulter ce mercredi les dirigeants des grandes forces politiques du pays sans espoir crédible de débloquer la situation qui menace jusqu'à l'appartenance de la Grèce à la zone euro.

Le chef de file de Syriza, propulsée contre toute attente dimanche au rang de deuxième force politique, a en effet exclu mardi de se plier aux plans européens de sauvetage et posé comme condition la rupture des engagements pris avec les partenaires d'Athènes.

Plusieurs responsables politiques allemands ont prévenu qu'Athènes ne recevrait plus d'aide financière si elle ne respectait pas toutes les conditions du plan de sauvetage conclu avec l'Union européenne, le FMI et la Banque centrale européenne( ).

Mais pour Alexis Tsipras, l'enseignement à tirer du scrutin est sans équivoque: "Le plan de sauvetage a été clairement annulé par le verdict populaire."

Après l'échec du chef de file de Nouvelle Démocratie, Antonis Samaras, à former un nouveau gouvernement de coalition viable, le jeune chef de file de Syriza, 37 ans, dispose à son tour de trois jours pour constituer une majorité au sein d'un
Parlement éclaté et morcelé.

Il doit rencontrer à 15h00 GMT Evangelos Venizelos, dont le parti socialiste Pasok est

sorti laminé du scrutin de dimanche, puis Antonis Samaras une heure plus tard.

Mais son hostilité au plan d'austérité ne laisse aucun doute sur l'issue de ses consultations avec le chef de file de Nouvelle démocratie. "Il me demande de signer pour la destruction de la Grèce. Je ne le ferai pas", a réagi ce dernier
dans une allocution télévisée.

Quant à Evangelos Venizelos, il s'est prononcé pour la formation d'un "gouvernement d'union nationale composé de l'ensemble des forces favorables au maintien de la Grèce dans l'Europe et dans la zone euro" de manière à éviter de nouvelles
élections législatives.

"Après la réponse de Samaras à Tsipras, tous les ponts ont été détruits, coupés", commente Theodore Couloumbis, analyste politique du cercle de réflexion Eliamep.

Conditions

L'Allemagne, qui a apporté le plus de garanties financières dans le cadre du plan de sauvetage à Athènes, a mis en garde le Grèce contre toute rupture de l'accord conclu avec la "troïka".

"Les termes de l'accord doivent être respectés. Je ne pense pas que nous puissions ou que nous devions négocier à nouveau", a déclaré Martin Schulz, président du Parlement européen et membre du Parti social-démocrate (SPD).

"L'aide ne peut être versée que si les conditions sont respectées", a déclaré de son côté Gerda Hasselfedt, membre de l'Union chrétienne-sociale (CSU), l'aile bavaroise de l'Union chrétienne-démocrate (CDU) de la chancelière Angela Merkel.

Les élections anticipées de dimanche ont donné naissance à un paysage parlementaire inédit.

Lourdement sanctionnés par les électeurs qui leur imputent la responsabilité de la récession et de l'austérité liée aux plans européens de sauvetage financier, Nouvelle démocratie et le Pasok ne disposent pas, à deux siège près, de la majorité
absolue (ND a remporté 108 des 300 sièges; le Pasok, 41).

Les cinq autres partis représentés au Parlement sont tous opposés aux programmes d'assainissement des finances publiques obtenus en contrepartie de leur aide par la "troïka" des bailleurs de fonds de la Grèce.

Arithmétiquement, on voit mal comment Tsipras pourrait réunir les 151 députés nécessaires pour former un gouvernement - Syriza compte 52 députés et la Gauche démocratique, qui se dit prêt à participer à une coalition, 19) (voir ).

Les communistes du KKE, qui comptent 26 élus, ont pour leur part annoncé dès dimanche qu'ils ne participeraient à aucun gouvernement, de même que les Grecs indépendants, nouvelle formation dissidente de droite créditée de 33 sièges.

Un accord avec le Pasok et un engagement de Nouvelle Démocratie à s'abstenir lors du vote d'investiture pourraient néanmoins faire émerger un gouvernement, qui serait cependant très fragile. Samaras a du reste indiqué qu'il était prêt à
tolérer un gouvernement minoritaire qui garantirait le maintien de la Grèce dans la zone euro, mais a jugé que Tsipras n'offrait pas cette garantie.

Renégocier le renflouement

En cas d'échec de Tsipras, le président Karolos Papoulias pourrait alors se tourner vers Venizelos pour former un gouvernement. Si ce dernier échoue, des nouvelles élections législatives pourraient alors être organisées.

Si la classe politique ne parvient pas à former un gouvernement à même de négocier une nouvelle tranche d'aide avec l'UE et le FMI, elle pourrait se retrouver à court de liquidités d'ici la fin du mois de juin, a-t-on appris auprès de trois responsables du ministère des Finances.

Le deuxième plan de renflouement, conclu en février, prévoit un soutien financier de 130 milliards d'euros et l'effacement d'une partie de la dette des créanciers privés. Il est censé permettre à la Grèce de retourner sur les marchés financiers
d'ici 2015 moyennant de sévères mesures d'austérité.

Hormis la convocation de nouvelles élections dans un délai de trois à quatre semaines, la seule façon de sortir de l'impasse serait de renégocier les termes du renflouement. Mais cette solution est pour l'heure fermement rejetée par les bailleurs de fonds et certains pays d'Europe du Nord.

"Le pays se dirige la tête la première vers une catastrophe", écrivait lundi l'éditorialiste du quotidien Kathimerini.

"Si un gouvernement de salut national n'est pas formé dans les prochains jours, l'organisation de nouvelles élections deviendra inévitable."