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Le conservateur Boris Johnson réélu maire de Londres

Alors que l'opposition travailliste enregistre une poussée significative au Royaume-Uni, le maire sortant, le conservateur Boris Johnson, a été réélu à la tête de la municipalité de Londres avec 51,5 % des voix devant Ken Livingstone (48,5 %).

REUTERS - Réélu maire de Londres en pleine débâcle électorale de son parti conservateur, Boris Johnson a fourni des arguments supplémentaires à ceux qui le voient un jour quitter l'Hôtel de Ville et franchir la Tamise pour s'installer à Downing Street.

En Grande-Bretagne, on parle d'un "Boris bonus" pour désigner la capacité du maire de Londres, réélu à 47 ans pour un deuxième mandat de quatre ans, à réaliser de meilleurs scores que son parti.

Cet "effet Boris" s'est une nouvelle fois manifesté jeudi et, lorsque les résultats du scrutin ont été annoncés vendredi soir, son adversaire malheureux a lancé une pierre dans le jardin du Premier ministre David Cameron et de son ministre des Finances, George Osborne.

"Alors que Cameron et Osborne entraînent le parti conservateur dans la défaite dans le reste du pays, non seulement avez-vous obtenu un nouveau mandat mais je soupçonne également que la question de la prochaine direction du parti Tory soit désormais posée", a déclaré le travailliste Ken Livingstone à son vainqueur sous le dôme en verre de l'Hôtel de Ville, près de Tower Bridge.

Boris Johnson, lui, a pris soin de ne pas évoquer David Cameron ni le revers national de son parti, préférant insister sur son bilan et rendre hommage à Ken Livingstone, aux conservateurs londoniens et à sa famille.

Durant toute son ascension, passant progressivement d'éditorialiste conservateur à maire en passant par député, Boris Johnson a manifesté un sens de l'autodérision qui lui a permis de surmonter une série de crises dont beaucoup ne se seraient probablement pas relevés.

Dans sa jeunesse, il a côtoyé David Cameron au fameux collège privé d'Eton puis à l'université d'Oxford, où ils ont tous deux intégré le Bullingdon Club, cercle d'étudiants dont la réputation est de saccager des restaurants lors de soirées alcoolisées en queue de pie.

Si le Premier ministre minimise les rumeurs sur leur rivalité, le maire de Londres l'évoque avec moins de réserves. En 2005, il a ainsi avoué que le fait que l'ambitieux David Cameron soit de deux ans son cadet était "l'un des nombreux drames de (sa) vie".

La marque Boris

Tandis qu'il est souvent reproché à David Cameron d'être déconnecté de la réalité quotidienne des électeurs en raison de ses origines sociales aisées, Boris Johnson est parvenu à se donner l'image particulière d'un aristocrate sympathique, excentrique et abordable.

"Il avance derrière le masque du gentil maladroit mais la vérité, c'est qu'il peut être impitoyable, qu'il est hautement intelligent et qu'il veut parvenir au sommet", affirme son ancien collaborateur Matthew Parris, ex-député conservateur.

Instantanément reconnaissable à sa chevelure blonde en bataille, Boris Johnson est désigné par son prénom dans toute la Grande-Bretagne. Il s'est illustré en participant au célèbre jeu télévisé de la BBC, "Have I Got News For You", mais aussi en
multipliant les aventures extra-conjugales, qui lui ont valu dans les tabloïds le surnom de "Bonking Boris", d'un verbe désignant familièrement une relation sexuelle.

Il est même devenu une marque si identifiable que les vélos en libre-service qu'il a introduits à Londres sont désormais communément appelés des "Boris bikes". Avec les Jeux olympiques de Londres en juillet et août, la marque Boris va bénéficier
d'une exposition mondiale.

Autrefois jugée saugrenue par la plupart des observateurs, l'hypothèse de voir Boris Johnson devenir Premier ministre est désormais au coeur des discussions.

"Prépare-t-il déjà un prochain coup audacieux?", s'est interrogé vendredi The Independent. Dans un article paru en "une", le journal cite des parlementaires conservateurs affirmant de manière anonyme que Boris Johnson envisage de se
présenter aux prochaines législatives.

"Nous connaissons les positions de Boris: des impôts faibles, un référendum sur l'Europe et fermeté quant au respect de la loi. Il est capable de les faire passer et il a le
charisme", dit l'un des députés cités par The Independent.

"Quand il aura été maire pour quatre années supplémentaires, il aura bien plus d'expérience que n'en avaient Tony Blair ou David Cameron lorsqu'ils sont devenus Premier ministre. Cela fera de lui un choix bien plus sérieux", souligne pour sa part
Tony Travers, de la London School of Economics.

Soutien du Sun

Maire de Londres depuis 2008, Boris Johnson a été responsable des transports et du maintien de l'ordre dans l'une des villes les plus vivantes du monde, avec la gestion d'un budget annuel d'environ 15 milliards de livres sterling (18,5 milliards d'euros).

Il se décrit lui-même comme un "conservateur hostile à l'impôt" et il est réputé pour ses attaques acerbes contre l'Union européenne. Ces positions, alliées à son humour et à son éloquence, en font une figure très populaire auprès des militants conservateurs.

Journal le plus lu de Grande-Bretagne, le tabloïd The Sun de Rupert Murdoch a apporté un soutien retentissant à Boris Johnson la veille du scrutin municipal en jugeant qu'il réussissait là où David Cameron échouait: créer une relation avec l'électeur.

"Un vote pour Boris demain est un vote pour un Londres meilleur et peut-être également pour un gouvernement meilleur. Car s'il remporte une victoire éclatante, Cameron devra suivre son exemple", a écrit le Sun dans un éditorial.

Tous les conservateurs ne sont toutefois pas enthousiastes à l'idée de le voir prendre la tête du parti, sans parler du pays.

"Il est prématuré de se prononcer. Je pense qu'il a été un très bon maire de Londres et qu'il en a surpris beaucoup. Mais il doit franchir des étapes supplémentaires avant d'être sérieusement pris en considération", juge Tim Montgomerie, responsable de l'influent site internet ConservativeHome.

Matthew Parris est du même avis: "Je ne crois pas qu'il ait les qualités pour être Premier ministre et je ne crois pas que le public pense réellement qu'il ait les qualités pour être Premier ministre. Il ne prend pas la chose ni lui-même assez au sérieux."

Ses adversaires travaillistes sont encore plus catégoriques.

"Boris avec la main sur Londres, c'est une chose, avec la main sur le bouton nucléaire, c'en est une autre", prévient le commentateur travailliste Dan Hodges.