Les forces du régime de Bachar al-Assad ont de nouveau transgressé le plan de paix de Kofi Annan. Au moins 23 personnes ont été tuées au cours de manifestations qui se sont déroulées vendredi dans plusieurs villes du pays.
AFP - Les forces gouvernementales ont continué vendredi de réprimer dans le sang la révolte contre le régime du président Bachar al-Assad, faisant au moins 23 morts, même si le bureau de l'émissaire international Kofi Annan a estimé que son plan de paix était "sur les rails".
La persistance des violences a poussé les Etats-Unis et la France à exprimer une fois de plus leurs doutes face à la volonté de M. Assad de cesser le feu conformément au plan Annan.
Les forces gouvernementales ont en effet tué 23 civils, dont deux enfants, à Alep (nord), Homs et Hama (centre), Idleb (nord ouest), Deir Ezzor (est) et dans la région de Damas, selon l'Observatoire syrien des droits de l'Homme (OSDH), faisant fi de la présence d'observateurs de l'ONU chargés de surveiller l'application d'un cessez-le-feu largement ignoré depuis le 12 avril.
Comme chaque vendredi depuis mars 2011, les manifestants ont défilé par milliers contre le régime à l'appel des militants pro-démocratie, sous le slogan: "Notre loyauté (à la révolution) est notre salut".
"La Syrie veut la liberté", "la Syrie saigne", "Bachar, dégage!", proclamaient les pancartes brandies par les manifestants à Arbine, près de Damas, tandis que des vidéos mises en ligne par des militants montraient des foules à Homs, Qamichli (nord-est), Idleb, Deraa (sud) et Alep.
"Nous résisterons même s'ils occupent toutes les places", ont affirmé des militants à Deraa, en allusion au quadrillage des villes par l'armée. "Le peuple veut mettre Bachar à mort", a clamé la foule à Idleb.
Les manifestations ont lieu habituellement à la sortie des mosquées après la prière hebdomadaire, malgré la répression et la militarisation de la révolte.
Jeudi, les forces de sécurité ont attaqué la cité universitaire d'Alep, tuant quatre étudiants et en arrêtant 200 autres, après une manifestation antirégime, poussant l'Université à suspendre ses cours jusqu'au 13 mai.
Selon les militants, cette attaque a été la plus meurtrière contre le campus, centre nerveux de la contestation à Alep, deuxième ville du pays longtemps restée à l'écart de la révolte.
"Ils nous ont fait descendre devant le dortoir des filles et nous ont obligés à nous déshabiller et à nous mettre à plat ventre", a affirmé à l'AFP Abou Taym, étudiant de 22 ans. "Ils se sont mis à marcher sur nous en proférant des insultes". Certains étudiants ont "préféré se jeter du 3e et du 4e étage plutôt que de se faire arrêter", selon un militant.
Pour Washington, "ce genre d'agissements, devenus aujourd'hui courants, montrent clairement l'illégitimité de ce régime, et souligne le besoin urgent d'une transition politique" en Syrie, dominée par le clan Assad depuis 40 ans.
"Damas ne respecte pas ses engagements et poursuit la répression", a constaté Paris en condamnant également "l'assassinat" des étudiants à Alep.
Néanmoins, le porte-parole de M. Annan a Genève a estimé que le plan était "sur les rails". "Il y a de petits signes sur le terrain. Certaines armes lourdes ont été retirées, certaines sont restées (...), certains actes de violence ont reculé, certains se sont poursuivis".
"Une crise qui a débuté il y a plus d'un an ne peut pas être résolue en un jour ou une semaine", a-t-il expliqué, en soulignant que M. Annan informerait le Conseil de sécurité de l'ONU de la mise en oeuvre de son plan le 8 mai, par vidéo-conférence à partir de Genève.
Pour Robert Mood, chef de la mission des observateurs, chargés de surveiller la trêve depuis le 16 avril, c'est à l'armée de faire le premier pas pour arrêter les violences. Le général norvégien s'est rendu à Idleb où, selon lui, les observateurs seront renforcés, a indiqué la télévision syrienne.
L'ONU ne compte pour l'instant qu'une petite trentaine d'observateurs sur le terrain, mais ce nombre devait dépasser la centaine dans quelques semaines avant d'atteindre 300, selon une résolution du Conseil de sécurité.
Selon l'OSDH, plus de 600 personnes, en majorité des civils, sont morts en Syrie depuis l'entrée en vigueur du cessez-le-feu, et plus de 11.100 en 13 mois de révolte.
Au Liban voisin, le président Michel Sleimane a affirmé que son pays ne serait pas une base pour acheminer clandestinement des armes vers la Syrie.
"Il n'y a pas de bases militaires anti-syriennes au Liban et il n'y a pas d'hommes armés qui entrent au Liban en provenance de Syrie", a-t-il assuré lors d'une rencontre avec des journalistes.
Les autorités syriennes et des sources au sein de la sécurité libanaise ont à plusieurs reprises affirmé que des armes étaient acheminées clandestinement depuis le Liban pour venir en aide aux rebelles.
Sur le front diplomatique, Burhan Ghalioun, président du Conseil national syrien (CNS), la principale coalition de l'opposition, doit être reçu lundi en Chine, alliée du régime syrien, où il tentera de plaider la cause de la révolte.