Restant sourd aux appels au dialogue lancés par l'ONU et les États-Unis, le président soudanais a encore durcit sa position à l'encontre de son voisin méridional. "Avec [lui], nous négocions avec des fusils et des balles", a-t-il déclaré lundi.
AFP - Le président soudanais Omar el-Béchir a martelé lundi qu'il ne négocierait pas avec le Soudan du Sud, malgré les appels pressants en ce sens de la communauté internationale, en célébrant la reprise de la zone pétrolière d'Heglig sur son voisin.
Le Soudan du Sud a dans le même temps accusé Khartoum d'avoir de nouveau bombardé son territoire, faisant deux morts, ce qu'a démenti le Soudan.
"Pas de négociations avec ces gens", a déclaré M. Béchir lors de sa visite à Heglig, à propos du gouvernement sud-soudanais qu'il avait qualifié d'"insecte" la semaine dernière.
"Avec eux, nous négocions avec des fusils et des balles", a-t-il ajouté, trois jours après avoir triomphalement annoncé que ses forces avaient chassé l'armée sud-soudanaise de Heglig, occupée pendant 10 jours.
Le Soudan du Sud a pour sa part évoqué un retrait volontaire, sous la pression internationale, qui s'est achevé dimanche.
M. Béchir a ainsi opposé une fin de non-recevoir à la communauté internationale, qui a multiplié les appels à un retour au calme et au dialogue.
Lundi, le président des Etats-Unis Barack Obama a encore déclaré que "les tueries d'innocents (devaient) cesser", appelant Khartoum et Juba à "avoir le courage" de négocier pour mettre fin aux violences.
Le secrétaire général de l'ONU Ban Ki-moon a de son côté "condamné le bombardement aérien du Soudan du Sud" par les forces de Khartoum et demandé au gouvernement soudanais "de cesser immédiatement toutes les hostilités". Il a également encouragé les présidents du Soudan et du Soudan du Sud, Omar el-Béchir et Salva Kiir, "de reprendre le dialogue de toute urgence".
Après deux semaines de violents combats, la région de Heglig était jonchée de cadavres de soldats sud-soudanais et ses précieuses infrastructures pétrolières, qui représentaient la moitié de la production du Nord, étaient très endommagées, selon un correspondant de l'AFP qui a pu se rendre sur place.
"Le nombre de morts est de 1.200 pour le SPLM", les ex-rebelles sudistes désormais au pouvoir au Soudan du Sud depuis la sécession en juillet 2011, a indiqué le commandant de l'armée soudanaise, Kamal Marouf, devant quelque 2.000 soldats. Il n'a en revanche pas donné de bilan pour ses propres troupes.
Le correspondant de l'AFP a vu un nombre "incalculable" de corps putrifiés de soldats sud-soudanais allongés sur le sol. Ils portaient le drapeau du Soudan du Sud sur leurs uniformes. Un char sud-soudanais était également visible.
Aucun civil n'était présent dans la zone, où des soldats soudanais patrouillaient.
Côté installations pétrolières, un réservoir ainsi que huit générateurs ont été détruits par des incendies, tandis que du pétrole se répandait sur le sol du site géré par le consortium à majorité chinoise GNPOC, selon le correspondant de l'AFP.
Abdel Azim Hassan, un ingénieur soudanais du GNPOC, a accusé les troupes sud-soudanaises d'avoir "détruit la principale centrale électrique alimentant les champs de pétrole et la centrale de traitement".
Le GNOPC cherche maintenant à relancer manuellement les unités de production "aussi vite que possible", a précisé M. Hassan.
C'est dans ce contexte, que le président sud-soudanais Salva Kiir est reçu mardi à Pékin, très important client du pétrole dont le Soudan et le Soudan du Sud se déchirent le partage et l'exportation. La visite en Chine jusqu'au 28 avril de M. Kiir, qui aura notamment des entretiens avec le chef de l'Etat Hu Jintao, pourrait avoir des retombées positives en raison des investissements de Pékin dans la région, qui contraignent le pouvoir chinois à tenter de calmer le jeu entre les parties.
Selon un rapport des autorités soudanaises cité par l'ONU, les combats ont aussi entraîné la fuite des quelque 5.000 habitants de Heglig et des villages voisins.
Signe des tensions croissantes, le gouverneur de l'Etat sud-soudanais de l'Unité, Taban Deng, a affirmé que des avions soudanais avaient mené lundi un nouveau raid à Bentiu, la capitale de cet Etat pétrolifère, larguant plusieurs bombes près d'un pont stratégique et d'un marché. Il a indiqué qu'au moins deux enfants avaient été tués.
Selon une journaliste de l'AFP qui se trouvait en voiture dans la zone du raid, de fortes explosions ont secoué la localité et plusieurs bombes ont été larguées près d'un pont stratégique et d'un marché proche, tuant au moins un enfant.
Mais un responsable du ministère soudanais des Affaires étrangères a "démenti toute sorte de bombardement sur la frontière du Soudan du Sud".
M. Deng a estimé que le raid était la "conséquence" du retrait de Heglig.
"Nous avons répondu aux appels (internationaux) à évacuer Heglig (...) mais ils continuent de nous bombarder", a dénoncé le ministre sud-soudanais de l'Information, Barnaba Marial Benjamin, estimant que Khartoum était en train de mettre à exécution ses promesses d'envahir le Soudan du Sud.
La France a condamné le bombardement de Bentiu et appelé au respect des populations civiles.
Dans une déclaration adoptée lundi, les ministres européens des Affaires étrangères ont aussi appelé les deux pays à "cesser immédiatement leurs attaques respectives sur le territoire de l'autre".