Avec 18,01 % des suffrages, la candidate du Front national, Marine Le Pen, a réalisé un score historique, engrangeant deux points de plus que son père, Jean-Marie, en 2002. Dimanche soir, militants et sympathisants ne cachaient pas leur joie.
On peut lire de la fierté dans ses yeux bleus. Marine Le Pen, la présidente du Front national (FN), ne sera certes pas au second tour de l’élection présidentielle française, mais en arrivant troisième le 22 avril avec 18,01 % des suffrages, elle atteint son objectif d’amener son parti à un score jamais égalé.
"Ce soir est historique", a déclaré dans la soirée Marine Le Pen."Nous sommes la seule opposition à la gauche ultralibérale, laxiste et libertaire", a poursuivi la candidate devant des centaines de militants réunis à l’espace Equinoxe du 15e arrondissement parisien. Et d’ajouter : "Ce soir, des millions de Français sont entrés en résistance".
Sous des salves d’applaudissements, la présidente du Front national a alors entamé la Marseillaise, sourire aux lèvres et main sur le cœur, trouvant un écho immédiat dans la salle qui a repris avec enthousiasme l’hymne national français. Exaltée par la bonne humeur ambiante, une petite fille se met à courir sous l’écran géant qui retransmet les soirées électorales des différentes chaînes télévisées françaises, laissant flotter derrière elle le drapeau tricolore.
Jean-Marie Le Pen, de loin, suit la gamine avec son œil unique. Dimanche soir, le président d’honneur du FN est avant tout un père fier de sa progéniture : "Cela représente un long chemin vers une victoire future. Je crois à cette victoire car, sans cela, nous serons esclaves. Et Marine est la seule à proposer la voie du changement", déclare-t-il à un groupes de journalistes.
Marine, le visage d’un nouveau FN
Plus de 500 militants et sympathisants sont venus en couple, en famille, entre amis soutenir leur candidate. Des drapeaux "Marine présidente" flottent sous le feu des projecteurs rouges et bleus, le vin blanc coule à flot, les pin’s lumineux "J’aime Marine" clignotent sur tous les revers de vestes. Sur les drapeaux, les éclairages, les maquillages, les vêtements, partout on retrouve les couleurs de la France.
Si Marine Le Pen a réussi à "dédiaboliser" un parti au passé sulfureux, dimanche soir, on n’en célèbre pas moins la préférence nationale : "Marine défend les valeurs et les traditions de la France, c’est pour ça que je vote pour elle", explique Jérémie, un militant de 22 ans qui n’est pas peu fier du résultat de sa candidate. "J’ai tracté, j’ai fait tout ce que j’ai pu et ça a payé", poursuit-il fièrement.
"Il faut dire les choses comme elles sont. Moi je suis contre la régularisation de tous les étrangers, sans exception. Il n’y a pas de cas par cas. Dans la mesure où on ne peut pas accueillir les étrangers dignement, je suis pour les aider…mais chez eux", déclare Jean-Christophe, 42 ans, sympathisant frontiste depuis des années.
D’autres essayent au contraire de défendre le nouveau visage du FN et la fraîcheur d’une candidate qui a su "faire évoluer les choses". Marine a en effet pris de la distance avec les discours de Jean-Marie Le Pen, président du parti de 1972 à 2011, et coutumier des déclarations racistes ou antisémites. L’ancienne avocate a, elle, mis en avant pour sa première campagne présidentielle le protectionnisme et la sortie de l'euro.
"Il faut arrêter de nous traiter de fascistes, de nazis, de racistes ! C’est ridicule. Que croyez-vous ? Que 20 % de la population voterait pour le national-socialisme ? C’est n’importe quoi enfin ! Moi j’aime tout le monde, quelle que soit la couleur de sa peau… Enfin, sauf s’ils sont prosélytes", dit, en rigolant Carl, 46 ans, venu de Corse pour l’occasion.
Une incontournable du paysage politique
Selon ses supporters, le score historique du FN fait de Marine Le Pen un acteur politique incontournable dont les idées ne pourront être laissées de côté par les concurrents du second tour, Nicolas Sarkozy et François Hollande.
"Marine a posé les thématiques de cette campagne et a montré qu’elle était incontournable dans la vie politique française", affirme Marion Maréchal-Le Pen, petite fille de Jean-Marie, qui affiche la même blondeur que sa tante Marine. "C’est un retournement majeur de la vie politique et les candidats présents au second tour seront obligés de se tourner vers notre politique et nos solutions."
Marine Le Pen annoncera le 1er mai sa position pour le second tour de la présidentielle, le 6 mai. Elle avait cependant averti pendant la campagne électorale qu’elle n'appellerait pas à voter pour le chef de l'État sortant. Parmi ses militants, les avis sont moins tranchés. Pour Antoine, Corse de 46 ans, il s’agit surtout de ne pas laisser passer la gauche, garantie selon lui "d’un avenir semblable à celui de la Grèce." Lui et ses quatre camarades voteront donc au second tour pour Nicolas Sarkozy, mais à contrecœur.
D’autres en revanche ne feront pas le déplacement jusqu’au bureau de vote le 6 mai : "SarkHollande, c’est bonnet rose et rose bonnet ! Ils sont les candidats des grands patrons mais ne défendent pas le peuple, les ouvriers, contrairement à Marine. Alors, pour le deuxième tour, je reste dans mon lit !"
D’après un sondage Ipsos publié dimanche soir, 18 % des électeurs frontistes vont reporter leur voix sur François Hollande au second tour, 60 % sur Sarkozy, et 22 % ne savent pas encore.