À la veille du Grand Prix de Formule 1 à Bahreïn, le corps d'un homme d'une trentaine d'années a été retrouvé dans le village de Chakhoura après une nuit d'affrontements entre manifestants hostiles à la famille royale et la police.
REUTERS - A la veille du Grand Prix de Formule Un, de nouvelles manifestation ont eu lieu samedi au Bahreïn, où l'opposition, qui avait réclamé en vain l'annulation de la course, dénonce une opération de relations publiques visant à relégitimer le pouvoir.
La colère des manifestants a été décuplée par la découverte, samedi matin, du corps d'un manifestant tué lors d'affrontements nocturnes avec la police anti-émeute dans le village de Chakhoura, selon l'opposition bahreïnie.
L'homme, âgé d'une trentaine d'années, faisait partie d'un groupe de manifestants qui ont été passés à tabac par la police tard vendredi soir, précise un communiqué du parti Wefaq. Ses funérailles auront probablement lieu dimanche, jour du Grand Prix.
Près de Manama, les forces de police sont intervenues à coups de grenades lacrymogènes pour disperser plusieurs dizaines de manifestants. Des jets de cocktails molotov sont partis des rangs des protestataires.
"Les manifestants se trouvaient sur une place de Diraz et la police a tenté de les disperser en se servant de gaz lacrymogènes. Ils ont répliqué en lançant des bombes incendiaires", a rapporté un témoin, estimant le cortège à 150 manifestants et recensant une cinquantaine de policiers.
Selon un journaliste de Reuters, quelque 7.000 personnes s'étaient auparavant rassemblées dans Diraz, réclamant des réformes démocratiques dans ce pays majoritairement chiite dirigé par une élite sunnite.
Ils ont également déployé une banderole sur laquelle des pilotes de F1 étaient représentés en policiers des unités anti-émeutes frappant des manifestants.
Des incidents ont été signalés dans d'autres districts du petit royaume du Golfe.
Le Bahreïn est en crise depuis que les autorités ont écrasé un soulèvement né du "printemps arabe" l'an dernier, au prix de dizaines de morts et d'arrestations.
Manifestations et arrestations sont quotidiennes et l'opposition a appelé à "trois jours de colère" pour faire entendre sa voix jusqu'au Grand Prix, programmé dimanche.
Les autorités, soutenues par les responsables de la F1, ont refusé d'annuler la course comme ils l'avaient fait l'an dernier sous la pression des troubles.
Dans la journée, alors que devaient débuter les séances de qualification du Grand Prix, des dizaines de véhicules blindés avaient été déployés le long de la principale route qui mène au circuit de Sakhir.
Les manifestants principalement issus de la majorité chiite, qui réclame des réformes démocratiques à la famille royale sunnite, étaient opposés à la tenue du Grand Prix, annulé l'an dernier en raison des violences politiques.
Faute d'avoir été écoutés, les opposants entendent profiter de l'attention internationale pour faire entendre leurs demandes, étouffées depuis plus d'un an par les autorités du Royaume, avec le soutien militaire des monarchies sunnites voisines, notamment l'Arabie saoudite. La répression a fait plusieurs dizaines de morts.
GREVE DE LA FAIM
"Le gouvernement voulait utiliser la course de Formule un pour servir ses opérations de relations publiques, mais ça ne se passe pas comme il le prévoyait", souligne Nabil Radjab, un militant des droits de l'homme.
Les autorités "doivent régler les problèmes du pays d'abord, ensuite elles pourront d'occuper de Formule un et d'autres événements", renchérit Oum Hussein, une des 10.000 personnes qui se sont rassemblées vendredi dans les rues de la capitale Manama et tentaient de rejoindre la place de la Perle, qui a servi de point de ralliement aux opposants l'an dernier lorsque la population du Bahreïn a tenté de suivre l'exemple de la Tunisie et de l'Egypte.
Des pirates informatiques ont également perturbé vendredi le fonctionnement du site internet du championnat du monde de Formule un en soutien aux manifestants.
Selon des responsables de l'opposition, une centaine de personnes impliquées dans l'organisation des manifestations ont été arrêtées au cours de la semaine écoulée et 54 protestataires blessés lors d'affrontements dans les villages chiites autour de la capitale, où la police a utilisé, disent-ils, des pistolets à grenaille.
Les opposants s'inquiètent aussi de la dégradation de l'état de santé d'un des leaders du soulèvement de l'an dernier, le militant des droits de l'homme Abdoulhadi al Khawadja, en grève de la faim depuis 70 jours et qui a cessé vendredi de boire de l'eau.
En outre, sa fille, Zaïnab, aurait été arrêtée samedi soir alors qu'elle tentait de manifester dans le centre financier de Manama.
Les essais du Grand Prix n'ont pas été perturbés - Sebastian Vettel s'élancera dimanche en pole position sur la grille de départ - et le patron de la F1, Bernie Ecclestone, a jugé "absurdes" les inquiétudes suscitées par la situation sécuritaire.