
Les essais du Grand Prix de Bahreïn ont débuté, vendredi, sur le circuit de Sakhir alors que des heurts ont été signalés dans plusieurs villages chiites entourant la capitale, Manama. Les manifestants réclament des réformes constitutionnelles.
"Je connais des gens qui vivent là-bas [à Bahreïn], c’est très calme et pacifié." Les déclarations du grand argentier de la F1, Bernie Ecclestone, faites la semaine dernière lors du Grand Prix de Chine, à Shanghaï, semblent plus que jamais hors de propos.
Alors que les monoplaces engagées dans le GP de Bahreïn ont effectué leurs premiers tours de piste, ce vendredi 20 avril, les contestataires ont durci leurs manifestations. Car plus que le meilleur temps des essais libres réalisé par l'Allemand Nico Rosberg sur Mercedes, ce sont bien les à-côtés de l’épreuve qui retiennent l’attention.
Dans les heures qui ont précédé ces essais, des dizaines de manifestants agissant à l'appel du mouvement des "Jeunes du 14-Février" ont affronté les forces de sécurité dans plusieurs villages chiites entourant Manama.
Les jeunes répétaient : "Le peuple veut la chute du régime", "À bas Hamad [ben Issa Al-Khalifa, l'émir de Bahreïn, NDLR]" et brandissaient des portraits du militant chiite emprisonné Abdel Hadi al-Khawaja, en grève de la faim depuis le 8 février, selon des témoins.
Si les affrontements se sont déroulés loin du circuit de Sakhir, des manifestants ont brièvement interrompu la circulation sur certaines routes y conduisant depuis Manama à l'aide de pneus enflammés.
La réaction des forces de l’ordre n’a pas tardé, la police intensifiant sa présence entre l'aéroport et le circuit. À ce titre, des dizaines de voitures de police étaient garées ou circulaient sur les 32 km séparant Sakhir du centre de Manama.
"Trois jours de colère"
Les manifestations ont pris une tournure plus violente depuis la nuit de mercredi à jeudi. Jusque là, les partis d'opposition, dont la principale formation chiite Al-Wefaq, avaient organisé des manifestations sans incidents. Mais le collectif des "Jeunes du 14-Février" a appelé à "trois jours de colère" coïncidant avec la date du Grand Prix, sous le slogan : "Non à la Formule de sang".
Les organisations de défense des droits de l'Homme avaient critiqué la tenue de la course en pleine crise politique dans ce petit royaume, parent pauvre des riches monarchies pétrolières du Golfe. "La F1 à Bahreïn sert d’opération de relations publiques pour l’élite au pouvoir, pour les dictateurs qui dirigent notre pays", a ainsi dénoncé l’activiste Nabil Rajab lors d’une conférence de presse.
Bahreïn, seule monarchie du Golfe où les chiites sont majoritaires, est en crise depuis que les autorités ont écrasé un soulèvement né du "printemps arabe", l’an dernier, faisant 35 morts, selon une commission indépendante. Amnesty International estime, pour sa part, que 60 personnes ont été tuées depuis le début de la contestation, en février 2011. L’an dernier, la course avait dû être annulée.
"Je pense qu’il y a beaucoup d’exagération"
L’incertitude entourant la sécurité du Grand Prix, qui se disputera dimanche, est montée d’un cran jeudi, quand des membres de Force India ont été la cible d’un cocktail molotov alors que la police dispersait violemment une manifestation. En réaction, l'écurie a décidé de faire l'impasse sur la 2e séance d'essais libres de ce vendredi.
Du côté des autres équipes, le mot d’ordre est à l’apaisement. Les pilotes, qui partagent leur temps entre leur palace du centre-ville et le circuit, ont généralement évité de commenter la situation. "Je n’ai vu personne lancer des bombes. Je ne pense pas que la situation soit aussi mauvaise qu’on le dit. Je pense qu’il y a beaucoup d’exagération", avait déclaré Sebastian Vettel, jeudi, en arrivant sur place. Le pilote espagnol Pedro de la Rosa (HRT), président de l'Association des pilotes de Grand Prix, a, quant à lui, indiqué faire confiance à la Fédération internationale de l'automobile (FIA) : "Notre opinion, c'est que nous ne connaissons pas assez bien la situation, ici, à Bahreïn, pour avoir une opinion et nous faisons confiance aux gens qui se sont renseignés, c'est-à-dire la FIA".