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Campagnes présidentielles de 1981 et de 2012 : l'Histoire se répète-t-elle ?

Déclarations, sondages et coups de théâtre... la Fondation Jean-Jaurès fait revivre en temps réel la campagne présidentielle de 1981 sur Twitter. Une initiative qui a mis au jour des points communs avec la campagne électorale actuelle.

Depuis le 19 janvier, et jusqu’au 10 mai, la Fondation Jean-Jaurès, présidée par l’ancien Premier ministre socialiste Pierre Mauroy, alimente le compte Twitter @LaVictoireEnMai afin de faire revivre en temps réel la campagne présidentielle de 1981, remportée par François Mitterrand. Basée sur les événements et les déclarations de l’époque, l'initiative met au jour plusieurs points communs avec la campagne électorale actuelle, dont les deux favoris sont le président sortant Nicolas Sarkozy et son rival socialiste François Hollande. Thierry Mérel, directeur du secteur Histoire de la Fondation Jean-Jaurès, décrypte pour FRANCE 24 les nombreuses similitudes entre les contextes et les enjeux socio-politiques des deux campagnes.


FRANCE 24 - Les "tweets" de @LaVictoireEnMai révèlent que les campagnes présidentielles de 1981 et de 2012 présentent certaines similitudes. Historiquement, peut-on rapprocher les deux scrutins et quels sont les points communs les plus frappants ?
Thierry Mérel - D’un point de vue économique et social, le contexte des deux campagnes a en effet des similitudes notables : hausse du chômage, fort taux d’inflation, hausse des prix de l’immobilier, hausse des produits pétroliers, production industrielle qui baisse et une consommation des ménages en berne. Par conséquent, les thèmes de la campagne seront, entre autres, "la crise", "l’emploi" et "le chômage", qui restent encore aujourd’hui les principales préoccupations des Français.
D’un point de vue politique, la campagne de 1981 va être elle aussi marquée par un président sortant, Valéry Giscard d’Estaing (VGE), qui retarde le plus possible sa déclaration de candidature, et dont le bilan est particulièrement difficile à défendre : stigmatisation d’une dérive monarchique, mauvaise gestion de la crise économique, politique étrangère confuse. En février de cette année, 51 % de la population se déclarent mécontents de sa politique. Il faut ajouter à cela les "affaires" dans lesquelles le locataire de l’Élysée, ou ses proches sont cités, (De Broglie, les diamants de Bokassa...) et qui occupent une large place dans la presse avant le premier tour de la présidentielle.
F24 - Cette similitude apparaît-elle également dans les slogans ou les discours de l’époque ?
T. M - Certaines paroles et certains discours tenus en 1981 font écho à la campagne actuelle : Valéry Giscard d’Estaing prédisait le "désordre" en cas de victoire socialiste, tandis que François Mitterrand se plaisait à nommer VGE le "candidat sortant", formule redécouverte lors de la campagne actuelle. Par ailleurs, les déclarations reprises dans les "tweets" de "LaVictoireEnMai" reflètent aussi la virulence verbale avec lequel se déroule le débat politique. Comme aujourd’hui, tous les candidats vont plutôt s’attaquer au président sortant sans toutefois s’épargner entre eux. En effet, aux antagonismes au sein de la droite répondent les déclarations sévères entre socialistes et communistes. Enfin, la critique acerbe contre les médias de la part du candidat communiste Georges Marchais rappelle celle d’un Jean-Luc Mélenchon aujourd’hui.
F24 - Selon la majorité des sondages publiés depuis le début de la campagne, le candidat socialiste semble en mesure de remporter la présidentielle le 6 mai prochain, et battre le locataire de l’Élysée comme en 1981. François Mitterrand jouissait-il à l'époque de sondages aussi favorables ?
T. M. - En 1981, le sentiment que l’élection serait jouée d’avance n’existait pas. Les campagnes de 1981 et de 2012 ont pour point commun un fort appel à la mobilisation dans chaque camp. Mais d’un point de vue plus politique, on note de grandes différences : durant l’été 1980, le rapport de forces est loin de laisser présager la victoire de François Mitterrand le 10 mai 1981. VGE est crédité par l’Ifop de 36 % d’intentions de vote contre 18 % pour François Mitterrand au premier tour. Jusqu’au mois de mars, le candidat sortant est le vainqueur que les sondages annoncent, et ce n’est qu’en mars qu’un premier sondage donne 51 % à François Mitterrand au second tour.
Depuis plusieurs mois, de nombreux instituts de sondage donnent un résultat autour des 53 % pour François Hollande. Le recul de l’Histoire permet de dire que les scrutins suivants ont confirmé que le vainqueur des sondages de mars est le vainqueur de mai. Le 10 mai 1981, les Français ont choisi le changement.