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La "préoccupante" politique économique de Cristina Kirchner

Buenos Aires, qui vient d'exproprier la compagnie pétrolière espagnole Repsol de sa filiale YPF, s'attire les critiques de nombreux pays, inquiets de voir l'Argentine durcir les conditions d'importation sur son marché.

AFP - La présidente argentine Cristina Kirchner défie le monde en expropriant l'Espagnol Repsol de sa filiale YPF et en contrôlant les importations et le marché des changes dans le but de sauver son modèle économique basé sur la relance par la consommation.

Les Etats-Unis se sont dits mercredi "très préoccupés" par cette expropriation. La chef de la diplomatie de l'UE, Catherine Ashton, a qualifié la décision de "très mauvais signal", tandis que le chef du gouvernement espagnol Mariano Rajoy a dit son "profond malaise".

Il y a à peine deux semaines, une quarantaine de pays, dont ceux de l'Union européenne et les Etat-Unis, avaient exprimé devant l'Organisation mondiale du commerce (OMC) "leurs inquiétudes permanentes et croissantes sur la nature des mesures restrictives pour le commerce prises par l'Argentine".

L'Argentine est face à un double dilemme: une baisse régulière de son excédent commercial (-11% en 2011 à 7,8 milliards d'euros), seule source de financement en l'absence de crédit après le défaut de 2001, et une hausse vertigineuse de ses importations d'hydrocarbures (+110% à 7,1 milliards d'euros en 2011).

Le gouvernement de Mme Kirchner a tenté de s'en sortir en mettant en place de nouveaux obstacles aux importations, s'attirant les critiques des pays limitrophes et de nombreux autres à l'OMC, puis en prenant le contrôle de 51% d'YPF, déclenchant une grave crise avec l'Espagne, sa "mère-patrie".

Dans les deux cas, c'est d'abord la forme, brutale, qui a choqué.

"L'Argentine a un problème de comportement dans ses rapports avec le reste du monde", dit à l'AFP Emilio Cardenas, ancien ambassadeur argentin à l'ONU. "Les plaintes avaient commencé avant l'affaire d'YPF, qui ne fait que les aggraver", fait-il valoir.

Des 146 litiges en attente de règlement au Centre international pour le règlement des différends relatifs aux investissements de la Banque mondiale, 25 concernent l'Argentine, le pays qui en a le plus, devant le Venezuela (20).

Le politologue Edgardo Mocca reconnaît que la présidente Kirchner "introduit des changements à chaud". Mais, pour lui, "les fronts qu'elle ouvre ne sont pas arbitraires".

Il s'agit de défendre un modèle basé sur "l'idée que l'Argentine se développera non par l'accumulation des richesses, mais par la consommation en tant que moteur de l'économie".

Or, le gouvernement n'arrive plus à financer les subventions trop coûteuses (eau, électricité, gaz) à la base de son modèle (12 milliards d'euros en 2011, +50%). Il est contraint de les supprimer par étapes.

La situation est également aggravée par la fuite de capitaux: afin d'y faire face, le gouvernement a mis en place en octobre une série de contrôles draconiens dans les banques et bureaux de change sur l'achat de devises étrangères.

Le 30e anniversaire du conflit des îles Malouines avec le Royaume-Uni (2 avril-14 juin 1982) arrive à point nommé et permet au gouvernement de rassembler la population derrière une cause nationale.

L'Argentine a annoncé qu'elle poursuivrait en justice les compagnies pétrolières impliquées dans des activités autour de l'archipel et la ministre de l'Industrie a convoqué des chefs d'entreprises pour les appeler à ne plus importer des produits britanniques.

L'Argentine craint-elle des représailles ?

"Les plaintes proviennent de pays puissants mais affaiblis par la crise économique", tempère le politologue Ricardo Rouvier.

Pour Emilio Cardenas, "l'Espagne va devoir jouer fin: elle sait que les banques BBVA et Santander, ainsi que la compagnie Telefonica sont aussi présentes en Argentine". En revanche, l'Argentine "peut être suspendue du G20".

"Il y a un coût d'abord en termes d'image", dit-il, ajoutant: "L'image d'un pays peut se détruire très vite, mais on met longtemps à la redorer".