Malgré l'insuccès du lancement d'une fusée nord-coréenne dans l'espace, la communauté internationale fustige la "provocation" de Pyongyang. Il s'agit du troisième échec, depuis 1998, de la mise en orbite d'un satellite par la Corée du Nord.
Pyongyang a reconnu le ratage de son lancement de fusée Unha-3, qui devait mettre sur orbite un satellite civil d’observation, ont annoncé, ce vendredi 13 avril, les autorités nord-coréennes. L’engin qui a décollé dans la nuit s’est abîmé en mer peu de temps après son décollage. Un échec d’autant plus retentissant qu’il devait coïncider avec les célébrations organisées à l’occasion du 100e anniversaire de la naissance de Kim Il-sung, fondateur de la République populaire démocratique de Corée du Nord (RPDC).
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"La RPDC a lancé son satellite Kwangmyongsong-3 [...] à 07h 38m 55s vendredi. Le satellite d’observation terrestre n’a pas réussi à entrer en orbite", a reconnu l’agence officielle de presse KCNA, après un silence de plus de quatre heures. "Les scientifiques, les techniciens et les experts sont en train d'étudier les raisons de cet échec", a ajouté l’agence. Il s'agit de la troisième tentative ratée de mise en orbite d'un satellite par la Corée du Nord, après deux essais infructueux en 1998 et en 2009.
L’échec a été confirmé par les autorités japonaises qui, depuis plusieurs jours, avaient placé le pays en état d’alerte maximale et menaçaient le régime communiste de détruire le lanceur nord-coréen s’il se dirigeait vers le territoire nippon. "Concrètement, Tokyo avait envoyé des destroyers dans la Mer de Chine. Une batterie anti-missiles se tenait prête à Okinawa, ville que devait initialement survoler la fusée, précise Marie Linton, correspondante de FRANCE 24 à Tokyo. Pour les autorités nippones, l’échec du tir ne change rien à la situation."
Car pour Tokyo et Washington, il est certain que Pyongyang a procédé à un test de missile balistique déguisé destiné à aider l’armée nord-coréenne à progresser sur la voie de la maîtrise d’armes de destruction massive. La Corée du Nord a démenti l’information et assuré que ce tir de fusée n’avait qu’un objectif civil. Afin de montrer qu’elles n’avaient rien à cacher, les autorités nord-coréennes ont invité des journalistes sur le site de lancement Tongchang-ri, dans le nord-ouest du pays. Une invitation qui avait considérablement irrité les États-Unis et leurs alliés.
"Provocation"
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"Il ne fait aucun doute pour Hillary Clinton [la chef de la diplomatie américaine] que Pyongyang faisait des essais militaires, rapporte Stanislas de Saint-Hippolyte, correspondant de FRANCE 24 à Washington. D’ailleurs aux États-Unis, on parle de ‘tir de missile’ et pas de ‘tir de fusée’. La Norad [Commandement de la défense aérienne nord-américain] a affirmé avoir identifié ce missile nord-coréen Taepodong-2 [avant son décollage]. Il s’agissait, selon eux, d’un missile balistique intercontinentale d’une portée de 6 000 à 9 000 km."
Même raté, ce lancement a donc suscité l’ire de la communauté internationale - à l’exception de la Chine, seul soutien du régime communiste - qui a vu dans ce tir une énième "provocation" de Pyongyang. Les réactions ont été promptes. Ce test enfreint, selon Washington, les résolutions de l’ONU de 2006 et 2009 interdisant à la Corée du Nord "tout essai nucléaire ou tir recourant à la technologie des missiles balistiques".
Le porte-parole de la présidence américaine, Jay Carney, estime que "Pyongyang ne fait que s’isoler davantage en se lançant dans des actes de provocation, et gaspille son argent en armes et en propagande pendant que les Nord-Coréens ont de plus en plus faim". Même son de cloche de la Corée du Sud et des ministres du G8 (Allemagne, Canada, États-Unis, France, Royaume-Uni, Italie, Japon, Russie), réunis en ce moment dans la capitale américaine. Tous s’inquiètent de la pérennité de la "paix dans la région".
Kim Jong-un fragilisé ?
Le Conseil de sécurité de l’ONU doit se réunir en urgence ce vendredi pour discuter de la situation et décider de "la réponse appropriée à apporter à cet acte", ajoute Stanislas de Saint Hippolyte. Le régime communiste s’expose désormais à de nouvelles sanctions financières.
Mais pour Pierre Rigoulot, spécialiste du communisme et directeur de l'Institut d’histoire sociale (IHS), les pressions diplomatiques autour d’un "pétard mouillé" sont "peu de choses" à côté des conséquences politiques internes nord-coréennes. Pour la première fois, précise le spécialiste, le pouvoir est considérablement fragilisé. "Si un tel échec prouve au monde que Pyongyang n’est pas au point technologiquement, ce ratage ridiculise surtout le pouvoir en place à l’heure où l’autorité de Kim Jong-un - chef d’État trop jeune aux yeux des militaires, peu préparé à son poste de dirigeant suprême - n’est pas encore assise."
Pour Pierre Rigoulot, l’apparition d’une lutte de clans – entre l’armée et Kim Jong-un – n’est pas à exclure. "En tout cas, la situation devrait rapidement évoluer et je pense que des têtes vont tomber à Pyongyang", conclut-il.