
Facebook a déboursé un milliard de dollars pour acquérir l'application mobile Instagram. Un prix élevé pour un simple outil de retouche et de partage de photos, aussi populaire soit-il. Facebook craignait-il la concurrence ?
Après le choc, les questions. Le rachat d’Instagram par Facebook, confirmé lundi par les deux sociétés, pour un montant d’un milliard de dollars a d’abord suscité un émoi considérable aussi bien sur Twitter que sur les blogs spécialisés en économie numérique.
Jamais, auparavant, le maître des réseaux sociaux n’avait dépensé une telle somme pour acquérir une société qui n’est, en fait, qu’une simple application mobile de partage et de retouche de photographies. Ce montant représente 300 fois ce que Yahoo a dû payer pour s’offrir le site de mise en ligne et de partage de photos Flickr en 2005 (35 millions de dollars). Les utilisateurs d’Instagram s’inquiètent également du devenir de leurs données personnelles qui appartiennent maintenant à Facebook, a rapporté lundi le site spécialisé dans les nouvelles technologies Cnet.
Mais au lendemain de cette giga-acquisition, qui rappelle celle de YouTube par Google pour 1,5 milliard de dollars en 2006, la plupart des observateurs se demandent avant tout quelle mouche a piqué Mark Zuckerberg, PDG et fondateur de Facebook. Les 30 millions d’utilisateurs d’Instagram valent-ils réellement un milliard de dollars ? Les justifications de cette méga-opération financière n’en finissent pas de pleuvoir sur les blogs, les sites d’informations et autres réseaux sociaux. Il semble y avoir autant d’avis sur la question qu’il y a d’analystes sur la place de la Silicon Valley. Petit best of des motivations prêtées à Mark Zuckerberg - qui ne s’est pas exprimé sur la question - pour signer un chèque avec moult zéros.
- La peur. “Dépenser 1 % de sa valeur boursière pour éliminer la principale menace à l’horizon est plutôt une bonne affaire”, a commenté lundi Chris Dixon, l’un des investisseurs-blogueurs les plus influents de la Silicon Valley. Facebook devrait en effet valoir 100 milliards de dollars lorsqu’il aura finalisé son entrée en Bourse, en mai prochain. À cet égard, ce n’est donc pas une dépense colossale pour le roi des réseaux sociaux.
Les tenants de cette thèse jugent que la croissance d’Instagram menaçait celle de Facebook dans le lucratif univers mobile. “Il y a clairement un élément de panique dans cette acquisition”, assure le magazine américain Fortune. Il y a une semaine, Instagram était évalué à 500 millions de dollars, alors qu’en janvier la jeune société d’à peine deux ans ne valait “que” 50 millions. Les investisseurs de la Silicon Valley misaient donc beaucoup sur cette application 100 % mobile. Les utilisateurs ont massivement suivi le mouvement : l’application Instagram pour les smartphones Android (le système d’exploitation de Google concurrent de l’iPhone) a été téléchargée plus d’un million de fois le 3 avril 2012, jour de sa sortie. En clair, Instagram était en train de devenir le réseau social incontournable sur les téléphones portables pour le partage des photos. Un problème pour Marc Zuckerberg car “les gens utilisent Facebook avant tout pour mettre en ligne des photos de leurs amis ou de leurs vacances”, rappelle Cnet.
- Le bonheur des investisseurs. “Bientôt Facebook sera une société cotée en Bourse et en tant que telle devra faire plaisir à ses investisseurs”, rappelle Dave Copland, spécialiste de l’économie numérique pour le site américain Read write web. Les investisseurs s’attendent avant tout, d’après lui, à voir les chiffres des abonnés continuer à croître rapidement. D’où l’intérêt de s’offrir au prix fort la popularité d’Instagram. En effet, “avec 850 millions d’utilisateurs sur le Web, Facebook connaît une certaine stagnation des nouvelles inscriptions et Instagram peut amener un flot nouveau d’utilisateurs à même de plaire aux investisseurs”, conclut le site Read write web.
- Le portefeuille. Pour d'autres, Facebook a un problème avec le mobile. Le réseau social ne sait pas comment gagner de l’argent sur les smartphones. Dans le dossier d’introduction en bourse, Mark Zuckerberg admet rechercher le sésame ouvrant la caverne d’Ali-Baba de la publicité sur les téléphones portables.
Instagram pourrait être ce sésame. À ce jour, l’application ne génère aucun revenu et “n’a pas de modèle économique”, rappelle le Washington Post. Mais en tant que numéro 1 des applications de partage de photographies sur mobile, Instagram peut devenir l’arme idéale pour attirer les publicitaires vers la galaxie Facebook.
- Pour ne pas devenir le nouveau Yahoo. “Cette acquisition montre que Mark Zuckerberg a appris des mésaventures de Yahoo : ne pas acheter un concurrent potentiel peut coûter très cher par la suite”, explique Business Insider, l’un des principaux sites américains à s’intéresser à l’économie de la Silicon Valley.
“En 2002, Yahoo aurait pu acheter Google pour 5 milliards de dollars, ce qui lui aurait éviter bien des problèmes par la suite”, rappelle le site. Le célèbre portail a, depuis lors, été contraint d’abandonner son propre moteur de recherche. Yahoo était aussi sur le point d’acheter Facebook, en 2006, pour 1 milliard de dollars. “Mais au dernier moment Terry Semel [le PDG de Yahoo à l’époque, NDLR ] a annulé l’accord”, souligne Business Insider. Résultat : la publicité inonde Facebook aujourd’hui - plus de 3 milliards de dollars en 2011 - et boude Yahoo qui est obligé de licencier 2 000 salariés pour faire des économies. Mark Zuckerberg n’a probablement aucune envie de devenir le nouveau Terry Semel.