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Jean-Luc Mélenchon prend le Capitole à Toulouse et confirme sa popularité

Le candidat du Front de gauche a réussi son pari en réunissant plusieurs dizaines de milliers de personnes à Toulouse, jeudi. Il a multiplié les attaques contre le président Nicolas Sarkozy et appelé une nouvelle fois à l'"insurrection citoyenne".

Jean-Luc Mélenchon s'en est donné à cœur joie, le 5 avril, place du Capitole à Toulouse (sud-ouest de la France). Devant une foule estimée à 70 000 personnes par les organisateurs, le candidat du Front de gauche a mené une violente charge contre Nicolas Sarkozy, pour le plus grand plaisir d'une assemblée toute acquise à sa cause. Les participants brandissaient nombre de pancartes anti-Sarkozy et huaient le président sortant à chaque pique prononcée par leur leader. "Nous ne sommes pas du même camp, nous ne sommes pas de la même France", attaque Jean-Luc Mélenchon, s'adressant au "président-candidat" et pilonnant son bilan. "Ce ne sont pas cinq années d'efforts, ce sont cinq années de grossièreté, de vulgarité et d'échecs", poursuit-il. À Nicolas Sarkozy, qui avait qualifié son programme d'irréaliste, le candidat du Front de gauche réplique, cinglant : "Je vous demande des comptes pour le malheur que vous répandez". Le public vibre, ravi, et scande : "Résistance ! Résistance !".

Mais sur le candidat socialiste François Hollande, rien. Pas un mot. Les deux hommes sont pourtant tout près de la guerre ouverte. Lors de son meeting à Lille, fin mars, Mélenchon n'avait pas hésité à pointer du doigt le candidat socialiste, ce "capitaine de pédalo", en l'accusant de semer la division. Les appels au "vote utile", les refus répétés aux invitations à débattre et les déclarations piquantes de son adversaire à son égard avaient fini par agacer le candidat du Front de gauche. Ce jeudi, Mélenchon a vraisemblablement choisi de ne pas mettre d'huile sur le feu. Mais les drapeaux rouges, que le maire socialiste de Toulouse, Pierre Cohen, a pu admirer toute l'après-midi sous les fenêtres de son bureau, ont constitué à eux seuls un pied de nez aux anciens alliés du leader du Front de gauche. D'autant que Mélenchon se prend désormais à rêver d'un second tour, galvanisé par les derniers sondages qui l'érigent en troisième homme de la campagne, avec 13 à 15 % des intentions de vote.

"La France de la VIe République n'est pas une nation occidentale"

En confiance, et malgré la fatigue accumulée au cours de ses nombreux meetings, le candidat du Front de gauche poursuit sur sa lancée de révolution citoyenne. "Où est notre liberté ? Dans le bulletin de vote du Front de gauche que vous glisserez dans l'urne !", assure Mélenchon, qui s'enflamme tour à tour contre l'"abjecte dictature de la finance", contre le "gloubi-boulga du misérable PMU politicien que nous fait subir un homme à la ramasse" - l'une de ses formules favorites du moment - et contre l'Occident, l'Otan, les États-Unis, l'Europe. Rejetant la domination du Nord sur le Sud, Mélenchon défend la philosophie de la nouvelle République qu'il veut instaurer : "La France de la VIe Répubique n'est pas une nation occidentale ni du fait de son peuple bigarré, ni du fait qu'elle rayonne à proximité des cinq continents", affirme-t-il, citant les départements et territoires d'Outre-mer, presque totalement absents de la campagne électorale, avant de poursuivre : "Non, la France n'est pas une nation occidentale, c'est une nation universaliste !". "Résistance ! Résistance !", répond la foule électrisée.

Jean-Luc Mélenchon, pendant un peu moins d'une demi-heure, a une nouvelle fois fait preuve de ses qualités de tribun. L'homme s'est tantôt montré lyrique : "Nous sommes au mois de Germinal, les bourgeons gonflés de vie éclatent déjà en fleur", tantôt meneur de foule : "Où est notre liberté ? Où est notre souveraineté ? L'insurrection citoyenne est un devoir sacré de la République !". Avec, toujours, cette fougue et cet indéniable sens de la formule qui provoquent à chaque fois l'agitation frénétique d'une marée de drapeaux rouges. "Il dit des choses qui se trouvent là", commente Jean-Louis, fervent militant du Front de gauche, se frappant théâtralement la poitrine. "Je suis ému. Ce discours confirme 1 000 fois ce que je pensais de lui : c'est un homme fort, intègre, intelligent. Il rappelle les fondamentaux que les autres [candidats] ont oublié : l'important dans une société, c'est l'humain", confie à son tour Hervé, un jeune entrepreneur. Au même moment, le leader du Front de gauche lance un vibrant : "France belle et rebelle, vient le temps des cerises et des jours heureux. Vive la République sociale, vive la France !", provoquant des trémolos dans la voix du jeune homme, immédiatement couverts par les couplets de l'Internationale chantés en chœur par la foule. Mélenchon a réussi son pari : il a pris le Capitole aussi brillamment que la Bastille à Paris le mois dernier.