logo

À dix jours de la présidentielle du 4 mars, 130 000 personnes se sont réunies à Moscou pour soutenir Vladimir Poutine. Si certaines semblent avoir été payées pour manifester, ce dernier bénéficierait encore d'une base solide.

Ce jeudi, la Russie célèbre la "Journée des défenseurs de la patrie", une fête héritée de l'époque soviétique. Pour l'occasion - hautement symbolique -, quelque 130 000 personnes ont bravé le froid et se sont réunies dans un stade de Moscou afin d’afficher leur soutien au Premier ministre russe, Vladimir Poutine, candidat favori à l’élection présidentielle du 4 mars prochain. Leur mot d'ordre, "Défendons le pays".

"Les pro-Poutine ont défilé le long de la Moskova, arborant une longue bannière bleue sur laquelle on pouvait lire : 'Notre vote sera pour Poutine'", raconte Ksenia Bolchakova, correspondante de FRANCE 24 à Moscou. À dix jours du scrutin présidentiel, ce rassemblement résonne comme une réponse aux manifestations de l'opposition qui ont régulièrement lieu à Moscou depuis les législatives controversées remportées en décembre dernier par le parti au pouvoir, Russie unie.

"La bataille pour la Russie continue"

La marche de soutien s’est terminée par un discours très bref du Premier ministre. "Aujourd'hui, nous sommes les défenseurs de la patrie", a proclamé Vladimir Poutine debout sur une tribune installée devant la foule, relevant que l'histoire de la Russie "a été écrite avec de la sueur et du sang". "La bataille pour la Russie continue, et la victoire sera pour nous", a-t-il lancé.

Le Premier ministre russe, qui a déjà occupé le poste de chef de l'État entre 2000 et 2008, est archi-favori pour succéder à Dmitri Medvedev à la présidence de la Russie et se réinstaller au Kremlin, cette fois pour un mandat de six ans. Les opposants à Poutine redoutent, eux, que celui-ci, qui n'est âgé que de 59 ans, ne passe douze années supplémentaires au Kremlin...

"Une bureaucratie qui s'enrichit depuis douze ans"

Qui sont les manifestants qui soutiennent aujourd’hui le Premier ministre ? Selon Hélène Blanc, co-auteur du livre "Russia blues", ses supporters ne sont peut-être pas aussi nombreux qu’ils en ont l’air. Mais ils représentent tout de même une base solide, composée d'"une bureaucratie qui s’enrichit depuis douze ans et qui veut que le système de corruption demeure", mais aussi de "la jeunesse poutinienne formatée", des militaires et des services secrets. Sans compter la population vivant dans des zones rurales qui ne connaissent pas les candidats de l'opposition. 

Par ailleurs, l'opposition et certains médias indépendants accusent le régime russe de faire pression sur une partie de la population et de payer des fonctionnaires pour qu'ils descendent dans les rues (voir cet article des Observateurs). "Je suis venu ici avec des amis. Ils m'ont dit qu'on toucherait 2 000 roubles (50 euros) [pour participer à la manifestation, NDLR]", raconte à Reuters un homme de 21 ans qui a été acheminé par bus au point de départ du cortège.

Lors de la manifestation pro-Poutine du 4 février, un Observateur de FRANCE 24, Evgeni, avait diffusé une vidéo montrant une femme distribuant de l’argent liquide aux personnes y participant. Le montant était de 1 000 roubles (environ 25 euros) par personne.

Figuration

Reste que, selon les dernières études d'opinion, le Premier ministre ne devrait de toute façon pas avoir de mal à se faire réélire face à une opposition morcelée. Il rassemblerait ainsi 58,6 % des voix dès le premier tour, selon le sondage de l'institut public VTsIOM daté du 20 février, distançant le communiste Guennadi Ziouganov (14,8 %), le nationaliste Vladimir Jirinovski (9,4 %), le milliardaire de la finance Mikhaïl Prokhorov (8,7 %) et l'ancien président de la Chambre haute du Parlement russe, Sergueï Mironov (7,7 %).

Pour Hélène Blanc, il n’existe de toute façon qu’un seul réel candidat de l’opposition, en la personne de Ziouganov. "Les trois autres ne sont que des figurants, commente-t-elle. Mironov soutient Poutine, Prokhorov est taxé d’être un sous-marin du Kremlin et Jirinovski a été financé par le KGB pour créer son parti dans les années 1990." Et d’ajouter : "Mais avec cinq candidats, le pays donne l'impression d'organiser un semblant d’élection pluraliste".

"En fait, la seule inconnue est de savoir si Poutine l'emportera au premier ou au second tour, poursuit Hélène Blanc. Seul le Kremlin le sait." Spécialiste de la Russie et auteur de l’ouvrage "La mystérieuse ascension de Vladimir Poutine", Pierre Lorrain prédit, lui, une victoire dès le premier tour de l'actuel Premier ministre, avec un score oscillant entre 50 % et 52 % des voix. "Il est facile pour le pouvoir de jouer sur les résultats, commente-t-il. La fraude électorale est de toute façon inhérente au système politique russe, y compris dans l’opposition." Et d’ajouter : "On a bien vu certains villages dans le Caucase déclarer un taux de participation de... 103 % ! Si cela peut paraître ridicule, c’est pourtant bien la réalité".

Quel que soit le résultat du scrutin, les manifestations de l’opposition ne s’arrêteront cependant pas après l’élection, assurent la plupart des observateurs de la vie politique russe. "Après son élection, les problèmes ne feront que commencer pour Poutine, qui devra faire face à un électorat vieillissant et une opposition émergeante", conclut ainsi Pierre Lorrain.