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Les journalistes blessés à Homs appellent à l’aide dans deux vidéos

La reporter française Edith Bouvier et le photographe britannique Paul Conroy demandent un cessez-le-feu "au plus vite" pour pouvoir être évacués au Liban. Tous deux ont été blessés dans le bombardement qui a coûté la vie à deux journalistes.

Damas a rejeté jeudi 23 février toute responsabilité dans la mort des deux journalistes tués à Homs mercredi, l'Américaine Marie Colvin, grand reporter du "Sunday Times", et le Français Rémi Ochlik, photographe à l'agence IP3 Press, estimant qu'ils étaient entrés sur le territoire "sous leur propre responsabilité". Le président français, Nicolas Sarkozy, a pour sa part qualifié d'"assassinat" la mort des deux journalistes. Ces déclarations surviennent au lendemain de leur disparition dans le pilonnage d'une maison transformée en centre de presse.

Au moins trois autres journalistes ont été blessés, dont la Française Edith Bouvier, reporter au quotidien "Le Figaro". Dans une vidéo mise en ligne ce jeudi sur YouTube, elle dit avoir "besoin au plus vite d'être opérée" et demande "au plus vite" un cessez-le-feu et une voiture médicalisée pour être évacuée au Liban. Au même moment, le ministre syrien de l'Information, Adnane Mahmoud, affirmait que le gouverneur de Homs avait été mandaté pour tenter d'évacuer les journalistes étrangers blessés, ainsi que les corps de leurs deux collègues tués dans le même bombardement.

Karim Hakiki, grand reporter à FRANCE 24, qui est entré clandestinement en Syrie à la fin du mois de janvier pour réaliser des reportages, répond aux questions concernant les conditions de travail des journalistes dans ce pays.

FRANCE 24 : Que pouvez-vous nous dire sur la situation d’Edith Bouvier, la journaliste du "Figaro" qui a été gravement blessée hier à Homs ?

Karim Hakiki : Je viens de parler au téléphone avec son père. Il est paniqué et très inquiet car la situation de sa fille est très critique, il a même dit qu’il s’agit d’une affaire de quelques jours. Ses blessures sont très graves, elle doit par conséquent être soignée très rapidement mais, or pour le moment, elle ne peut l’être à Homs car il n’y a pas de structure médicale ni de médicaments nécessaires pour mener une intervention chirurgicale. Il attend des nouvelles du Quai d’Orsay pour savoir ce que la France compte faire pour la ramener en vie.

Les journalistes payent un lourd tribut en Syrie, où les violences ont déjà coûté la vie à un journaliste français, Gilles Jacquier, tué par un obus à Homs le 11 janvier. Faut-il, selon vous, continuer à se rendre sur place ?
K.H : Oui, je pense qu’il faut absolument continuer d’occuper le terrain afin de rendre compte de ce qui se passe, et pour éviter que le massacre de civils ne puisse s’y dérouler à huis clos. Et ce, même si les journalistes sont exposés à un danger de mort. Évidemment, notre travail nous pousse à prendre des risques, mais en Syrie, en l’occurrence, je reste persuadé que le régime vise délibérément les journalistes. La maison dans laquelle Mary Colvin et Rémi Ochlik ont malheureusement perdu la vie était forcément connue des forces de sécurité syriennes.

Vous vous êtes récemment rendu dans plusieurs pays, réputés inamicaux envers les journalistes, pour couvrir le printemps arabe. En quoi la Syrie est-elle un cas particulier ?

K.H : Quand j’étais sur place, j’ai eu l'impression que la chasse aux journalistes était engagée. Nous sommes visiblement une menace permanente pour le pouvoir syrien. Chaque journaliste présent sur le territoire est un témoin qui doit être éliminé d’une manière ou d’une autre. Par conséquent, les journalistes étrangers ou syriens sont repérés et systématiquement recherchés. En Égypte, par exemple, peu avant la chute d'Hosni Moubarak, le 11 février 2011, les forces de sécurité avaient lancé une chasse aux journalistes. Plusieurs dizaines d’entre eux ont été maltraités et intimidés. Mais nous n’avions pas ressenti la volonté de les éliminer physiquement comme c’est le cas actuellement en Syrie.