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Deux grands reporters périssent sous les bombes à Homs

Deux journalistes occidentaux, le photographe français Rémi Ochlik et la reporter de guerre américaine Marie Colvin, sont morts à Homs, tués dans des bombardements. Vingt-quatre civils syriens ont également péri au cours de l’attaque.

Damas rejette toute responsabilité

AFP - Le régime syrien a rejeté jeudi toute responsabilité dans la mort des deux journalistes étrangers tués la veille dans un bombardement de la ville rebelle de Homs, estimant qu'ils étaient entrés sur le territoire "sous leur propre responsabilité".

"Nous refusons les déclarations qui font endosser à la Syrie la responsabilité de la mort de journalistes qui se sont infiltrés sur son territoire sous leur propre responsabilité", a annoncé le ministère des Affaires étrangères, cité par la télévision d'Etat.

L’un était un jeune photojournaliste talentueux, l’autre une reporter de guerre reconnue à travers le monde. Rémi Ochlik, 28 ans, et Marie Colvin, 56 ans, ont été tués mercredi 22 février dans des bombardements à Homs, en Syrie. La maison où ils se trouvaient a été frappée par des obus. Ils auraient été fauchés par des tirs de roquette alors qu’ils tentaient de s’échapper, l'armée pilonnant sans relâche le quartier de Baba Amr, à Homs.

"C’était un photographe extraordinairement bon. C’était très agréable de travailler avec lui, il était très calme, très réfléchi, il avait commencé à travailler très jeune, il avait une grande expérience", témoigne Alfred de Montesquiou, grand reporter pour Paris Match et ami de Rémi Ochlik, avec qui il avait couvert le conflit syrien.

En 2004, alors qu’il est encore à l’école Icart-Photo, à Paris, le jeune photographe part en Haïti couvrir les affrontements qui ont suivi la chute du dictateur Jean-Bertrand Aristide. Son premier grand reportage est honoré au prestigieux festival français Visa pour l’image à Perpignan. "On m’a montré un travail sur les événements en Haïti, se rappelle Jean-François Leroy, directeur du festival. Très beau, très fort. Je ne connaissais pas le mec qui avait fait ça. Je le fais venir. Il s’appelle Rémi Ochlik, il a 20 ans. Il a travaillé tout seul, comme un grand. Voilà. Le photojournalisme n’est pas mort. C’était l’un des très très grands photojournalismes de demain". Son travail obtient quelques mois plus tard le prix François Chalais pour les jeunes reporters.

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Réaction de Jean-Pierre Perrin, grand reporter à Libération

L’année suivante, le jeune homme collabore à l’ouverture d’une agence photo, à Paris, IP3 Presse. Pour elle, il couvre l’actualité politique et sociale française, mais également la guerre en République démocratique du Congo en 2008, l’épidémie de choléra et l'élection présidentielle en Haïti début 2011. Entre temps, les révolutions arabes ont débuté. "Après quelques années sans qu’on entende vraiment parler de lui, le voilà qui ressurgit en 2011, pour le printemps arabe", raconte Jean-François Leroy au quotidien Le Monde.

La Tunisie, le Maroc, l’Égypte, la Libye, la Syrie… Tout au long de l’année 2011, le jeune reporter sillonne le monde arabe en pleine révolte. Il publie ses clichés dans Paris Match, Le Monde 2, le Time. Sa série de photos intitulée "Bataille pour la Libye", lui vaut le prix World Press 2012, un prix rarement accordé à de si jeunes professionnels.

"Le journaliste est devenue une cible principale"

La réputation de la journaliste américaine, Marie Colvin, n’est pas moins grande mais plus ancienne. Basée à Londres et reporter de guerre pour l’hebdomadaire britannique Sunday Times, elle avait couvert de nombreux conflits ces vingt dernières années : la Yougoslavie, l’Iran, le Sri Lanka… et le printemps arabe.

En 2001, elle avait échappé à une tentative d’assassinat au Sri Lanka, alors qu’elle tentait de rencontrer le chef de la rébellion des Tigres Tamouls. Elle avait perdu un œil, emporté par un éclat de métal. Elle portait depuis un bandeau noir.

Le 21 février, la veille de sa mort, elle témoignait sur CNN de l’horreur de la situation à Homs. "Il y a des snipers partout dans les immeubles qui surplombent le quartier de Baba Amr. […] Je veux souligner le côté impitoyable avec lequel ils visent les immeubles où il y a des civils, sans faire attention. L’ampleur des attaques est choquante".

Lors d’une conférence en novembre 2010, Marie Colvin était revenue sur son métier, et les risques encourus. "Notre mission est de rapporter les horreurs de la guerre avec exactitude et sans préjugés, expliquait-elle alors. Est-ce que tout ça vaut la peine ? La douleur, la souffrance… Et pas seulement pour nous, mais aussi pour nos familles, nos amis ? Ma réponse est et reste : oui, ça vaut la peine". Et de conclure : "il n'a jamais été aussi dangereux d'être un correspondant de guerre parce que le journaliste en zones de combat est devenu une cible principale".