
Invités à se pencher sur une révision de la réforme de la Politique agricole commune (PAC), les ministres de l'Agriculture de l'UE se sont mis d'accord, au terme d'une négociation marathon, sur une réduction des aides directes aux agriculteurs.
Les aides directes que les agriculteurs européens reçoivent de l'Union européenne seront réduites dès l'année prochaine, notamment pour ceux en recevant le plus, pour être redirigées vers des projets de revitalisation du monde rural.
Les ministres de l'Agriculture des Vingt-sept, réunis à Bruxelles, se sont mis d'accord jeudi matin, au terme d'une nuit de négociations, sur le "bilan de santé" de la Politique agricole commune (PAC), une révision à mi-parcours de la réforme de 2003 avant une refonte plus complète en 2013.
Le texte final adopté par les Etats membres a permis de dégager un compromis qui à la fois tient compte des desiderata des grands pays agricoles et règle les trois points les plus épineux des négociations : le volume des aides directes aux agriculteurs redirigées vers le développement rural, les quotas laitiers et les outils dont disposent les pouvoirs publics pour intervenir sur les marchés des matières premières agricoles.
Il est ainsi prévu que la proportion d'aides directes réaffectées aux campagnes au sens large soit portée à 14% pour les exploitations reçevant plus de 300.000 euros d'aides par an, contre 22% envisagés dans un premier temps.
Les agriculteurs recevant entre 5.000 et 100.000 euros verront quant à eux 10% de ces aides redirigés, contre 13% dans la version initiale.
La France et l'Allemagne estimaient qu'un redéploiement trop important des aides directes, encore connu sous le nom de "modulation", un concept promu par la commissaire à l'Agriculture Mariann Fischer Boel, allait à l'encontre de leurs intérêts.
Egalement en jeu, la part que les Etats assumeront dans le processus de cofinancement de ces fonds modulés a été fixée à 25%, contre 75% pour l'UE, et ce taux est réduit à 10% dans les régions dites "de onvergence", c'est à dire plus défavorisées ou éloignées territorialement.
Rome et Berlin satisfaits sur le lait
Par ailleurs, un certain nombre de flexibilités ont été trouvées quant à l'usage des fonds, pour qu'une partie d'entre eux puissent être affectés au financement de "nouveaux défis" comme le changement climatique, les énergies renouvelables, la gestion de l'eau, la biodiversité ou le secteur laitier.
Cette dernière dimension a ainsi été ajoutée pour satisfaire Berlin qui s'inquiétait de la disparition prévue des quotas laitiers à moyen terme et des effets sur ses producteurs et certaines de ses régions rurales.
Les Vingt-sept ont pris en 2004 la décision de ne pas prolonger au-delà de 2014 le régime des quotas laitiers et la Commission a proposé de les relever de 1% tous les ans d'ici là, ce qu'ont finalement accepté les Etats membres.
La France et l'Allemagne étaient contre l'idée d'un relèvement progressif des quotas et luttaient pour leur maitien à leur niveau actuel jusqu'à la libéralisation du marché en 2015. Les Allemands ont néanmoins obtenu qu'un rapport d'impact de cette mesure soit réalisé en 2010 et 2012.
L'Italie, qui bloquait quant à elle en sens inverse, a obtenu gain de cause sur ce dossier en se voyant octroyer le droit de relever ses quotas nationaux de 5% dès 2009 au lieu de 1% au cours des cinq prochaines années.
Une clause a néanmoins été ajoutée prévoyant une majoration de 50% de l'amende prévue en cas de dépassement de quotas, ce pour les années 2009/2010 et 2010/2011.
La France obtient gain de cause sur la régulation
Enfin, dernier axe de travail, celui des outils aux mains des Etats membres pour intervenir sur les marchés des matières premières agricoles.
Michel Barnier avait estimé dans la journée, lors d'une conférence de presse, que les instruments de gouvernance et de régulation étaient plus que jamais indispensables dans le contexte actuel de crise.
La France a ainsi obtenu in extremis de maintenir un plafond de trois millions de tonnes sous lequel les pouvoir publics continueront d'acheter le blé meunier au prix garanti de 101,31 euros par tonne. Au-delà, la production sera écoulée via un mécanisme d'adjudication.
La proposition initiale de la Commission prévoyait un système reposant uniquement sur ce mécanisme, qui retire au producteur toute sécurité quant au prix auquel il écoule sa récolte.
Sur le riz et le blé dur, pour lesquels l'exécutif européen proposait d'abolir le mécanisme d'intervention actuellement en vigueur, le compromis finalement adopté est en revanche de conserver le principe du mécanisme mais de le rendre inopérant en pratique en plaçant le plafond du volume de production à un seuil de zéro.