Ex-journaliste de la chaîne d’État syrienne, Hani al-Malathi a quitté ses fonctions la semaine dernière pour ne plus "participer à la campagne de désinformation orchestrée par le régime". FRANCE 24 l'a interviewé.
Réfugié à Dubaï depuis le mois d’août, Hani al-Malathi, un ancien présentateur du journal télévisé de la chaîne d’État syrienne, a annoncé sa démission la semaine dernière. Dans un entretien accordé à FRANCE 24, le journaliste affirme ne plus vouloir travailler dans son pays, en proie à un soulèvement populaire contre le pouvoir depuis le mois de mars 2011. "Je ne suis pas rentré en Syrie depuis le mois d’août et je ne rentrerai pas, car j’avais le sentiment de participer à la campagne de désinformation orchestrée par le régime", déclare-t-il.
itDès le début de la crise, les médias officiels syriens, qui dépendent directement du ministère syrien de l’Information, ont minimisé l’ampleur de la contestation dirigée contre Bachar al-Assad et nié la campagne de répression systématique des opposants. Ils ont notamment décrit les manifestants comme des "moundassines" ("infiltrés", en français) et des gangs terroristes. Hani al-Malathi confie que l’objectif principal du régime était alors de ternir l'image de l’opposition pour la décrédibiliser. "Par conséquent, les informations diffusées par les chaînes d’État ou privées étaient clairement fausses, car le régime cherche absolument à faire croire qu’il ne se passe rien de grave dans le pays et que le reste n’est que complots et manipulations orchestrées par les médias étrangers", explique-t-il. Celui-ci affirme également qu’il est par exemple interdit de donner la parole à l’antenne à quiconque viendrait contredire la version officielle.
"Porte-parole du régime"
"En se comportant comme un porte-parole du régime, tout en jouant la carte de la provocation et de la désinformation, la télévision d’État a jeté de l’huile sur le feu au lieu de calmer les esprits, ce qui a contribué à radicaliser la colère de la rue et à approfondir les rancœurs entre les citoyens", poursuit encore Hani al-Malathi. "Il est irresponsable de consacrer 30 minutes d’un journal télévisé à la prétendue propagande diffusée par les médias étrangers sans évoquer ne serait qu’une fois la violence des services sécuritaires. Tout comme il est provocateur de diffuser des célébrations appuyant le pouvoir tandis qu’au même moment, des familles de victimes de la répression enterrent leurs morts."
Selon le journaliste, les médias officiels syriens ont, de fait, perdu toute crédibilité. Il estime aussi qu’il ne reste plus aucune "personne censée" dans le pays qui puisse accepter de croire à une telle version des faits, y compris au sein des médias officiels. "Seuls 10 % des journalistes syriens travaillant dans ces chaînes continuent de croire les informations qu'elles diffusent, les autres se taisent car ils ont peur", conclut Hani al-Malathi.