
, envoyée spéciale à Athènes – Stélios Dessypris, ancien steward de 48 ans, a été licencié il y a près de trois ans. Au début, il gagnait 1 800 euros d'allocations chômage mensuelles. Mais avec la crise, sa pension s'est réduite comme une peau de chagrin.
La rumeur, relayée par la radio, s'est répandue comme une traînée de poudre : une nouvelle manifestation serait en cours dans les rues d'Athènes. "On dit que ça recommence comme dimanche", s'inquiète un chauffeur de taxi. Dimanche 12 février, de violentes émeutes ont éclaté dans le centre-ville de la capitale grecque, alors que les députés votaient un nouveau plan d'austérité. La manifestation est à peine annoncée que déjà la circulation se densifie, des voitures tentent des demi-tours audacieux : toujours selon la radio, une des artères principales de la ville serait bloquée par la police.
La violente manifestation s'est finalement résumée à un petit rassemblement pacifique devant le ministère du Travail. Quelques centaines de personnes tout au plus sont réunies dans le calme, bien serrées sur le trottoir pour ne pas entraver la circulation. "Nous manifestons pourtant assez régulièrement pour que la police sache de quoi il s'agit", s'étonne Stélios Dessypris, un ancien steward, âgé de 48 ans. Et effectivement, depuis presque trois ans, le siège du ministère est devenu un lieu de rendez-vous habituel pour le groupe de manifestants. Tous sont d'anciens empoyés de Olympic Airlines, une compagnie aérienne grecque qui a fait faillite en 2009.
Les anciens d'Olympic se battent pour que leur pension de chômage soit maintenue à son niveau initial. Une lutte devenue bien classique aujourd'hui en Grèce, et que Stélios sait perdue d'avance. Mais qu'importe, "vue la situation de [ses] finances", il n'a plus rien à perdre alors autant manifester. "Au début, quand j'ai été remercié, je touchais 1 800 euros de chômage, explique-t-il d'un ton monocorde. Un an après, je n'en touchais plus que 1 300, maintenant, on m'a annoncé que ma pension ne serait plus que de 800 euros". À presque 50 ans, il ne parvient pas à retrouver du travail malgré des "démarches quotidiennes". Pour sa femme, c'est pire : elle aussi est au chômage, mais elle ne perçoit aucune allocation au chômage.
"J'ai deux filles à ma charge, raconte l'ancien steward. L'une a 19 ans, elle veut devenir coiffeuse, l'autre a 25 ans, elle étudie la psychologie. Pour elles deux, leurs études me coûtent 3 400 euros par an. Comment je vais faire, moi, avec 800 euros pour faire vivre quatre personnes?". Stélios ne peut même plus compter sur l'entrée dans la vie active de ses filles : la précarité les guette. "Elles vont connaître le chômage et le système D, et à mon avis, elles ne pourront pas avoir un 'chez elles' avant un bout de temps", prédit l'homme. Pour lui, pas question d'aller à l'étranger. "C'est ici, chez moi, qu'est-ce que j'irais faire en France ou ailleurs ? Il n'y aura pas plus de travail pour moi", affirme-t-il en regardant sa montre. Bientôt une heure que les représentants syndicaux des anciens d'Olympic Airlines sont entrés dans le ministère pour tenter une négociation. Stelios soupire puis lâche : "C'est compliqué". Et se reprend aussitôt : "Non, c'est pas compliqué, c'est la merde".