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Dans une lettre ouverte au peuple libanais, le Conseil national syrien (CNS) promet de "tourner les pages noires" de l’histoire des relations entre les deux voisins. Une initiative applaudie par l'opposition libanaise.

"La Syrie libre, indépendante et démocratique reconnaît le Liban en tant que patrie souveraine et indépendante". Dans une lettre ouverte au peuple libanais, le Conseil national syrien (CNS) a promis la semaine dernière de "tourner les pages noires" de l’histoire des relations libano-syriennes. Une histoire "assombrie par le régime dictatorial en Syrie qui a exercé une tutelle, une hégémonie et une ingérence des plus exécrables", sur son voisin libanais, selon la principale coalition des partis de l'opposition au régime du président Bachar al-Assad.

"Horizons politiques inédits"

Sans surprise, les partis libanais d’opposition ont salué sans ambages la démarche du CNS, qualifiée d’historique. "Cette initiative courageuse ouvre la voie à des horizons politiques inédits dans les relations entre les deux pays […] et mérite tout le soutien politique possible", a notamment réagi dans un communiqué le Courant du Futur, dirigé par l’ex-Premier ministre Saad Hariri, anti-régime syrien. Même Paris a salué "un message rassurant du CNS aux Libanais et qui va dans le bon sens".

Et pour cause, après 30 ans d’occupation par les troupes syriennes (1976-2005), l’influence politique de Damas au pays du Cèdre reste forte par le biais de ses services de renseignement et de ses alliés locaux, rassemblés en partis politiques. "La Syrie n’a jamais vraiment reconnu le Liban, considérant même qu’une partie de notre territoire aurait dû constituer sa 19e province", note l’éditorialiste Philippe Abi-Akl dans un article publié le 27 janvier par le quotidien francophone libanais "L’Orient-le-Jour".

Partant de ce principe, Damas refuse toujours de procéder au tracé des frontières communes, de réviser les accords signés par les deux parties alors que le Liban était placé sous sa tutelle, ou encore de régler le dossier des Libanais détenus dans ses geôles. Et ce n’est que sous la pression de la France, que Bachar al-Assad avait accepté, en août 2008, d’établir officiellement des relations diplomatiques entre les deux pays, en ouvrant une ambassade au Liban, pourtant indépendant depuis 1943.

Le Liban officiel soutient toujours Al-Assad

Autant de questions sensibles, dénoncées par l’opposition libanaise, que le CNS a promis de régler après la chute du président syrien et de "son gang". Selon Michael Young, éditorialiste du quotidien anglophone "Daily Star", "il serait facile d’interpréter l’initiative du CNS comme étant intéressée au moment où il mobilise la Ligue arabe pour renverser le régime d’Assad […] Toutefois elle représente, potentiellement, un tournant dans les relations compliquées qu’entretiennent les deux pays". Et d’ajouter dans une analyse publiée sur le site NowLebanon : "Le CNS a fait le premier pas, le camp des démocrates au Liban doit faire un pas dans la même direction, pour assurer le démarrage rapide d’un dialogue entre les gouvernements, dès qu’il sera possible de le faire".

Pour l’heure, la lettre du CNS appelant à "des relations d'égal à égal entre deux pays indépendants et souverains" n’est qu’un vœu pieux. Car le président Bachar al-Assad n’entend pas céder le pouvoir malgré plus de dix mois de révolte et plus de 5 400 morts dans la répression, selon l'ONU.

D’autant plus qu’il jouit du soutien du Liban officiel. Menée par le Hezbollah, la coalition au pouvoir, majoritaire au Parlement et au sein du gouvernement, est en effet proche de la Syrie. En conséquence, Beyrouth appuie autant que possible le président Assad sur le plan diplomatique.

Le pouvoir libanais fut notamment le seul à s’opposer au plan de la Ligue arabe, adopté le 22 janvier et qui prévoit notamment la mise à l'écart de Bachar al-Assad. Son soutien s’était également manifesté au mois d’août, lorsque le Liban était encore membre non permanent du Conseil de sécurité de l’ONU. Il s’était alors dissocié de la déclaration adoptée par les 14 autres membres et qui condamnait l'usage de la force contre les civils en Syrie. Et ce, au nom de la non-ingérence dans les affaires internes d’un pays tiers…