
Nicolas Sarkozy aborde pour la première fois la possiblité d'une défaite. Réelle usure ou intox ? Un aveu fait à quelques journalistes en off qui ne laisse pas les commentateurs politiques indifférents.
Au cours de son déplacement en Guyane, devant un petit cercle de journalistes, le président français, Nicolas Sarkozy, s'est laissé aller à la confidence. "En cas d'échec, j'arrête la politique. Oui, c'est une certitude." Avant d’ajouter "De toute façon, je suis au bout. Dans tous les cas, pour la première fois de ma vie, je suis confronté à la fin de ma carrière." La moiteur du climat guyanais et la fatigue suffisent-elles à expliquer les soudaines révélations du chef de l'État ? "Opération intox", s’écrient les uns, "Coup de fatigue et de déprime", répondent les autres. Une chose est sûre, le président de la République a une fois de plus su récupérer l’espace médiatique monopolisé ces derniers jours par le premier grand meeting de son rival socialiste, François Hollande.
Coup de blues ou coup de bluff ?
Présidentielle française 2012
Chez les animaux, la thanatose désigne un comportement défensif ou offensif qui consiste à feindre la mort pour être épargné ou pour tuer plus facilement sa proie. Reste à savoir s’il prendra la place de la victime ou du prédateur. Pour les uns, il ne fait aucun doute qu’en fin stratège, l’animal politique, Nicolas Sarkozy simule une mort politique prochaine pour mieux prendre la position de challenger. "Quand Nicolas Sarkozy évoque l’hypothèse de sa défaite, ce n’est pas pour le plaisir de s’épancher ou par une subite faiblesse, c’est une habileté pour que l’on en parle", assure l’éditorialiste de La Montagne, Daniel Ruiz. "Cette supposée lassitude distante tient plus de la tactique que de la déprime". Pour le journaliste clermontois, le stratagème politique ne fait pas l’ombre d’un doute. "Le chef de l’État joue sur le registre affectif, assure le buzz et tente ainsi de resserrer ses troupes". Et Yann Marec du Midi Libre de renchérir, "si l’interrogation fait florès dans les allées du pouvoir au point de semer le doute dans la majorité, elle cache en réalité le sens tactique et la science politique du président de la République".
Pour d’autres en revanche, l’aveu de faiblesse de Nicolas Sarkozy est tout à fait possible. Gérard Grunberg, directeur de recherche émérite du CNRS confie à FRANCE 24 qu’il est tout à fait possible que le président "ait eu un moment de faiblesse". Que le chômage, la crise et les sondages en berne finissent par avoir raison de son optimisme est compréhensible aux yeux du politologue. Selon ce dernier, "Sarkozy connaît peut-être à son tour la "Tentation de Venise", du nom d'un ouvrage d'Alain Juppé paru en 1993 où le ministre des Affaires étrangères à l'époque évoquait la difficulté d'être un homme politique et s'interrogeait sur son envie de renoncer à toute carrière, toute ambition, en bref de tout abandonner.
L’"authenticité" en premier chef
Que Nicolas Sarkozy eût été sincère ou stratège, le président a définitivement rompu avec la communication de ses débuts basés sur les certitudes et la gagne. La crise, passant par là, le président sortant se veut plus humble et souhaite aujourd’hui bel et bien parler d’"authenticité" et de "discours de vérité". Si ses récentes confidences sont le fruit d’une nouvelle stratégie de communication, les électeurs seront-ils séduits au point de le soutenir jusqu’aux urnes? "Contrairement à ce qu'il voudrait faire croire, Nicolas Sarkozy n'a pas changé", répond Paul Quinio dans Libération. "Il a fêté son élection il y a cinq ans en mettant de manière indécente sa personne au cœur des débats", assène-t-il. "Il finit son mandat en se livrant à des confidences tout aussi indécentes sur sa vie après son éventuelle mort politique".
Quoi qu’il en soit, le chef de l’État aborde volontiers la possibilité d’une future reconversion loin de la politique après son mandat de mai 2012 ou … de 2017.