Les Russes ont à nouveau protesté contre le déroulement des élections législatives du 4 décembre dernier à travers tout le pays, ce samedi. À Moscou, plusieurs dizaines de milliers de personnes sont descendues dans les rues.
AFP - Une foule immense d'opposants russes s'est rassemblée samedi à Moscou, une mobilisation supérieure au rassemblement qui s'était tenu quinze jours plus tôt et qui était déjà considéré comme un défi sans précédent pour Vladimir Poutine, arrivé au pouvoir en 2000.
itL'opposition a revendiqué quelque 120.000 manifestants contestant la victoire aux législatives du 4 décembre du parti au pouvoir Russie Unie, tandis que la police a fait état de 29.000 protestataires. Aucun chiffre de source indépendante n'était cependant disponible.
Néanmoins, le nombre évoqué par les forces de l'ordre semble sous-estimé. En effet, la police a indiqué à l'agence Interfax que son calcul partait du principe qu'un manifestant occupait deux mètres carrés, or la foule était bien plus compacte.
Par ailleurs, selon un policier interrogé par l'AFP, la perspective Sakharov, lieu de la manifestation, peut contenir quelque 55.000 à 60.000 personnes. L'avenue était noire de monde samedi et de nombreux manifestants affluaient pour remplacer ceux qui partaient.
La manifestation s'est achevée sans incident peu après 13H00 GMT avec l'adoption d'une déclaration réclamant notamment "des législatives anticipées" et "la libération des prisonniers politiques".
La mobilisation des Moscovites semblait donc en hausse par rapport à la première manifestation, le 10 décembre. La police avait alors estimé que 25.000 personnes s'étaient rassemblées. Les médias et l'opposition évoquaient entre 50.000 et 80.000 manifestants.
L'un des leaders du mouvement de contestation, Alexeï Navalny a dès lors promis samedi "un million" de manifestants à Moscou contre le régime de Vladimir Poutine, lors du prochain rassemblement, dont la date n'a pas encore été fixée.
"La prochaine fois, nous allons faire descendre un million de personnes dans les rues de Moscou", a déclaré le célèbre blogueur anti-corruption.
Les manifestants ont par ailleurs reçu samedi le soutien de l'ex-ministre des Finances, Alexeï Koudrine, que M. Poutine décrivait la semaine dernière comme "un ami".
Il s'est rendu à la manifestation et a réclamé des "législatives anticipées". L'ex-ministre a ensuite appelé à un dialogue entre le pouvoir et l'opposition pour éviter une révolution.
"Il faut une plateforme de dialogue sinon ce sera la révolution, sinon nous perdons la chance qui est devant nous pour un changement pacifique" en Russie, a-t-il dit.
Les manifestants brandissaient de nombreuses pancartes dénonçant le régime au pouvoir en Russie, des ballons blancs, couleur du mouvement de protestation, et criaient des slogans comme "le pouvoir au peuple" ou "la Russie sans Poutine".
"Nous avons compris que nous pouvons nous mobiliser. Il est impossible d'arrêter une foule comme celle-ci", estime un manifestant, Andreï Loujine, 32 ans, sympathisant du parti d'opposition Iabloko.
Ce mouvement de contestation sans précédent depuis l'arrivée au pouvoir de Vladimir Poutine en 2000 a été largement organisé sur l'internet et rassemble des gens d'horizons très divers: partis nationalistes, d'extrême-gauche, libéraux, des associations, des ONG et des célébrités du monde de la culture ou de la télévision.
Samedi, le Conseil consultatif pour les droits de l'Homme auprès du Kremlin a rejoint leur cause, jugeant nécessaire la tenue d'"élections législatives anticipées" en raison notamment "de bourrages d'urnes, de falsifications".
Des rassemblements moins importants ont aussi eu lieu dans une vingtaine d'autres villes, avec 4.000 personnes à Saint-Petersbourg et de 1.000 à 2.000 à Nijni-Novgorod (Volga), Tcheliabinsk (Oural), Samara (Volga), Tomsk (Sibérie) et Krasnodar (sud).
Cette vague de mécontentement intervient alors que Vladimir Poutine compte se faire réélire à la présidence russe qu'il avait laissée en 2008 à son dauphin désigné, Dmitri Medvedev, faute de pouvoir accomplir un troisième mandat consécutif.
"Les chances de Poutine de se faire élire sont élevées, mais il ne pourra pas enrayer sa chute de popularité. Il lui faudra changer ce système" politique très personnalisé, estime l'analyste du centre Carnegie, Nikolaï Petrov, "mais je ne crois pas qu'il en soit capable".
Le pouvoir, qui rejette les accusations de fraudes, a annoncé certaines réformes visant notamment à faciliter l'enregistrement de partis politiques.