523 banques de la zone euro ont emprunté près de 490 milliards d'euros à la Banque centrale européenne (BCE). Ce montant record d'argent prêté à trois ans vise à s'assurer que les banques ne ferment pas le robinet du crédit.
REUTERS - Les banques se sont refinancées à hauteur d’un montant impressionnant de 489 milliards d’euros mercredi, au terme de la toute première opération à trois ans lancée par la Banque centrale européenne (BCE).
Cette opération alimente l’espoir qu’un tarissement du crédit pourra être évité et que l’argent récolté servira à acheter de la dette italienne et espagnole, une hypothèse qui soulève parfois le scepticisme de certains analystes.
Le montant emprunté par 523 banques dépasse largement les 310 milliards d’euros anticipés par les traders interrogés par Reuters dans un enquête publiée quelques heures avant que la BCE n’annonce le résultat de cette opération. (voir )
C’est également l’injection maximale qu’ait effectuée la BCE dans le système bancaire, dépassant les 450 milliards d’euros servis en 2009 à l’occasion de sa première opération à un an.
L’opération d’apport de liquidité illimité s’est faite à un taux qui sera la moyenne du principal taux de refinancement de la BCE durant les trois années à venir. Ce taux d’intervention est actuellement au plus bas record de 1,0%, après la réduction annoncée au début du mois par la banque centrale de la zone euro.
Pour certaines banques, cela implique que leur refinancement pourrait être inférieur de plus de trois points à ce qui est pratiqué sur le marché. Elles pourront refinancer à trois ans des fonds empruntés il y a peu à la BCE et rembourser après tout juste une année si elles le souhaitent.
Les résultats de l’opération ont permis aux marchés boursiers d’accentuer momentanément leurs gains et amené l’euro à un pic d’une semaine contre le dollar.
« L’allocation d’aujourd’hui représente près d’une fois et demie le programme d’emprunts combiné de l’Espagne et de l’Italie en 2012 », observe Martin Van Vliet, économiste senior d’ING.
« Nous doutons toutefois que cet argent serve en grande partie à financer des achats de dette périphérique, au vu des risques de valorisation au prix du marché et des risques éventuels pour la réputation ».
« C’est une invitation à acheter de la dette souveraine, surtout pour les banques les plus petites et non cotées qui ne participent pas aux tests de l’ABE (Autorité bancaire européenne », constate Christian Schulz, économiste de Berenberg Bank.
« Pour les grandes banques cotées, qui auront un nouveau stress test de l’ABE l’an prochain, la motivation d’acheter de la dette souveraine est moindre parce qu’elles craignent que l’ABE exige plus de fonds propres pour contrepartie des avoirs en dette périphérique, ce qui diluera le capital existant ».
L'ABI sceptique
De fait, la fédération bancaire italienne (ABI) a fait savoir que ses membres n’accroîtraient pas leur exposition à la dette souveraine en dépit du succès retentissant de l’opération à trois ans de la BCE.
« Les règles de l’ABE dissuadent d’acheter des obligations souveraines et donc même l’importante injection de liquidité de la BCE (..) ne peut être employée pour soutenir la dette souveraine », explique-t-elle.
Suivant les nouvelles dispositions de l’ABE, les banques devront valoriser leurs avoirs en dette souveraine à la valeur de marché, ce qui poussé l’ABI à menacer de saisir la justice. « Non seulement les banques n’augmenteront pas leur exposition mais elles la réduiront sans doute et cela crée un problème en puissance pour refinancer la dette souveraine ».
Selon des sources bancaires et des documents, plus d’une douzaine de banques italiennes, dont Unicredit et Intesa Sanpaolo, auraient emprunté au moins 49 milliards d’euros à trois ans auprès de la BCE.
Les banques italiennes ont souscrit au total pour plus de 110 milliards d’euros de prêts à trois ans lors de l’offre de refinancement illimité menée mercredi par la Banque centrale européenne, a déclaré à Reuters une autre source bancaire italienne.
En France, aucune des grandes banques françaises n’a souhaité dire si elle avait emprunté à la BCE. La Banque de France n’a pas non plus souhaité faire de commentaire.
« C’est un grand succès et une réponse puissante qui permet de retirer une très large partie de la pression qui pèse actuellement sur les établissements bancaires et ce depuis plusieurs semaines », a simplement déclaré le ministre de l’Economie François Baroin lors de la séance des questions au gouvernement à l’Assemblée nationale.
Dépendance aux financements de la BCE
En Bourse, après avoir ouvert en forte hausse, les valeurs bancaires européennes sont reparties à la baisse en début d’après-midi.
L’indice bancaire européen a fini la séance en baisse de 0,72%.
A Paris, Société générale a terminé en repli de 3,4% tandis que BNP Paribas et Crédit agricole ont reculé de plus de 2%.
Outre des conditions très avantageuses, le fait que le secteur bancaire soit plus que jamais dépendant des financements de la BCE explique que la demande ait été aussi forte. La BCE s’inquiétait d’ailleurs de cette dépendance dans son rapport sur la Stabilité financière publié lundi.
Les banques françaises ont quasiment quadruplé leurs refinancements auprès de la BCE depuis juin, à 150 milliards d’euros, tandis que les banques italiennes et espagnoles ont pris chacune plus de 100 milliards d’euros.
Le président de la BCE n’a eu de cesse d’exhorter les banques à recourir à ce financement ultra-long depuis son annonce au début du mois. Il a estimé lundi qu’il existait un risque de « credit crunch » et jugé que les pressions sur le marché obligataire de la zone euro pourraient atteindre un niveau sans précédent au début 2012.
Les banques s’étaient préparées pour réserver le meilleur accueil à l’opération la plus longue de la BCE. Elles ont refinancé 45,7 milliards d’euros de prêts à un an de la BCE. Elles ont également ramené de 140 milliards d’euros à 30 milliards d’euros leurs refinancement à trois mois et réduit de près de moitié la prise de fonds à une semaine cette semaine.