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Syrie : "La Russie propose une résolution sans grande valeur"

La Russie a surpris la communauté internationale en dévoilant, jeudi, un projet de résolution au Conseil de sécurité de l’ONU condamnant les violences en Syrie. Un texte sans grande valeur, selon Fabrice Balanche, spécialiste du Moyen-Orient.

À la surprise générale, Moscou, l’indéfectible soutien de Damas, a proposé jeudi un projet de résolution au Conseil de sécurité de l’ONU condamnant les violences en Syrie. Une initiative qui représente, certes, une avancée diplomatique - Moscou était, jusqu'à présent, hostile à toute forme de condamnation du régime syrien -, mais celle-ci reste toutefois limitée, selon Fabrice Balanche, spécialiste du Moyen-Orient et maître de conférences à l’Université Lyon 2. Explications.

FRANCE 24 : Pourquoi cette inflexion soudaine de la part de Moscou ?

Fabrice Balanche : Tout simplement parce que la Russie n’avait pas le choix. Depuis neuf mois, Moscou et Pékin n'ont cessé d'opposer leur veto à tout projet de résolution présenté par des pays européens. Aujourd’hui, cette position est intenable.

La répression en Syrie a fait officiellement plus de 5000 morts [selon le dernier bilan de l’ONU, NDLR], c’est un véritable bain de sang. Moscou a dû réajuster sa stratégie pour rester crédible sur la scène internationale. La Russie ne peut pas rester un allié de Damas à n’importe quel prix. Elle était dans l’obligation de condamner – même mollement - le régime de Bachar al-Assad.

En proposant ce projet de résolution, la Russie a-t-elle fait volte-face ?

F. B. : La Russie n’a pas vraiment reculé. Le ton a certes changé, mais dans le fond, Moscou n’a aucunement l’intention de compromettre ses relations privilégiées avec Bachar al-Assad. Lorsqu’on analyse le texte de plus près, on se rend compte qu’il est extrêmement timoré.

Premièrement, la Russie, prudente, ne se risque pas à condamner le seul régime de Bachar al-Assad. Pour ne pas se mettre à dos son allié historique, Moscou a préféré dénoncer les violences commises par "toutes les parties" en Syrie, mettant de fait les attaques militaires du régime et celles menées par les opposants sur le même plan. Or, c’est incomparable, les uns attaquent, les autres se défendent.

Deuxièmement, le texte russe ne prévoit aucune menace de sanctions, comme le réclamaient plusieurs pays occidentaux. Il est impensable d’envisager que Moscou puisse un jour donner son feu vert à une intervention armée alors qu’elle entretient d’importants liens militaires et stratégiques avec Damas. Elle lui fournit de l’armement et possède une base navale à Tartous, sur le littoral syrien. Reconnaissons-le, le texte russe n’a pas une grande valeur.

Moscou cherche cependant à faire pression sur Damas ? Dans quel but ?

F. B. : La Russie a aussi conscience qu’on ne tient pas un pays par la seule force des armes. En prenant légèrement ses distances avec son allié, elle essaie de pousser Damas à négocier avec l’opposition pour sortir le pays de l’impasse et préserver ainsi ses intérêts dans la région.

Je n’adhère pas à l’idée selon laquelle la Russie a cherché à faire diversion pour ne pas attirer davantage l’attention sur la contestation populaire qui secoue actuellement le pays [les manifestations se sont multipliées en Russie ces derniers jours pour dénoncer les fraudes électorales de Russie unie, le parti de Vladimir Poutine, lors des législatives, NDLR]. Je ne pense pas que le pouvoir russe cherche particulièrement à soigner son image à l'extérieur.