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L'ancien ministre Renaud Donnedieu de Vabres, placé en garde à vue mardi dans le cadre de l'enquête sur le volet financier de l'affaire Karachi, a été remis en liberté sans être mis en examen.
AFP - Renaud Donnedieu de Vabres a été libéré mercredi à l'issue de sa garde à vue dans le volet financier du dossier Karachi, les députés PS mettant en cause Nicolas Sarkozy dans cette affaire de financement présumé occulte de la campagne d'Edouard Balladur en 1995.
Entendu depuis mardi matin par les policiers, l'ancien ministre de la Culture a recouvré mercredi la liberté sans être présenté aux juges Renaud Van Ruymbeke et Roger Le Loire.
"Les juges aviseront des suites à donner", a-t-on indiqué au parquet.
Les deux magistrats enquêtent sur l'existence éventuelle de rétrocommissions versées en marge des contrats de vente de sous-marins Agosta et de frégates Sawari II signés fin 1994, soupçonnés d'avoir servi à un financement occulte de la campagne présidentielle de M. Balladur.
Plusieurs témoignages versés au dossier assurent que deux intermédiaires ont été imposés par le cabinet du ministre de la Défense François Léotard, en particulier par le conseiller Donnedieu de Vabres, peu avant la conclusion du contrat Agosta le 21 septembre 1994.
Entendu comme témoin en novembre 2010, l'ancien conseiller de François Léotard avait nié tout lien entre la négociation du contrat avec le Pakistan et le financement de la campagne.
Une source proche de l'enquête a cependant décrit M. Donnedieu de Vabres comme "le pivot du dossier", précisant que les enquêteurs avaient envisagé de le placer en garde à vue dès septembre.
"Les juges touchent maintenant le coeur de la corruption mettant en cause les politiques", a estimé mardi l'avocat des victimes de l'attentat de Karachi, Me Olivier Morice.
"campagne de caniveau"
Lors d'une séance houleuse à l'Assemblée, les députés socialistes ont mis directement en cause mercredi M. Sarkozy, qui était ministre du Budget en 1995 et porte-parole de la campagne de Balladur.
"Qui peut imaginer qu'un système aussi complexe (...) ait pu être monté sans que Nicolas Sarkozy, compte tenu de ses fonctions ministérielles et de ses fonctions au sein de la campagne de Balladur, n'ait pas été mis au courant?", a ainsi lancé Claude Bartolone peu avant la séance des questions au gouvernement.
En séance, la nervosité a vite gagné les bancs de la gauche lorsque le député UMP du Nord Sébastien Huyghe - le "tombeur" de Martine Aubry en 2002 -, après avoir énuméré le financement de la fédération du Pas-de-Calais, l'affaire du Carlton et le marché public du grand stade de Lille, a demandé: "Où en sont les enquêtes judiciaires dans le Nord-Pas-de-Calais?"
"Je ne commenterai aucune affaire en cours mais veillerai à ce que la justice puisse travailler dans le calme et la sérénité", a alors sobrement déclaré le ministre de la Justice Michel Mercier, soucieux de calmer le jeu.
Olivier Dussopt (PS) a alors contre-attaqué: "Vous avez choisi de mener une campagne de caniveau! Si vous voulez parler justice, parlons-en", a-t-il dit, évoquant plusieurs affaires en cours, Karachi, Bettencourt et les "fadettes".
Quelques questions plus tard, c'était au tour de Delphine Batho (PS) de remettre sur le tapis l'affaire Karachi: "Que savait Nicolas Sarkozy du dossier Karachi et quel était son rôle?".
Deux proches du président de la République, Thierry Gaubert et Nicolas Bazire, ont été mis en examen en septembre dans le volet financier de l'affaire Karachi, de même que l'intermédiaire franco-libanais Ziad Takieddine.
L'enquête a mis au jour le versement d'importantes sommes en espèces sur le compte de campagne d'Edouard Balladur, qui dément tout financement illégal.