Le procès au pénal du laboratoire Servier, fabricant du Mediator, qui aurait causé entre 500 et 2000 décès, se tiendra en mai au tribunal de Nanterre. Une première victoire pour les victimes qui craignaient de patienter des années.
REUTERS - Malgré l’opposition des suspects, la justice française tiendra en mai à Nanterre (Hauts-de-Seine) un premier procès pour “tromperie aggravée” des laboratoires Servier et de leur fondateur Jacques Servier pour la diffusion du médicament Mediator.
La Cour de cassation, plus haute juridiction française, a rejeté la demande de l’industriel de regrouper ce dossier avec celui d’une information judiciaire en cours à Paris, et qui ne débouchera sur un procès, au mieux, que dans plusieurs années.
Le Mediator, présenté comme antidiabétique mais prescrit comme coupe-faim, est accusé d’avoir fait de 500 à 2.000 morts en France entre 1976 et 2009.
Ce dossier sanitaire, l’un des plus graves de l’histoire judiciaire française, a d’ores et déjà amené une remise en cause du système français. Il concerne potentiellement des millions de personnes susceptibles d’avoir contracté des affections cardiaques imputées au Mediator.
François Honnorat, avocat des victimes constituées à Nanterre, s’est dit satisfait de la tenue d’un procès rapide.
“Enfin, dans un dossier de santé publique, nous allons pouvoir dans un délai raisonnable faire juger les responsables devant une juridiction, c’est quasiment une première et on doit s’en féliciter”, a-t-il dit à la presse.
Il communiquera les témoins cités en février au tribunal. “La question de la persistance du remboursement de ce médicament dangereux au taux maximum jusqu’en 2009 devra être posée. Nous aurons aussi un certain nombre de documents à produire (...). Je crois que ce dossier sera accablant pour les laboratoires Servier”, a-t-il ajouté.
L’instruction parisienne se poursuit
Servier contestait ce procès de Nanterre, qui ne concernera que la “tromperie” présumée et les quelque 200 plaignants représentés devant ce tribunal.
L’information judiciaire, où plusieurs milliers de personnes sont parties civiles, se poursuivra parallèlement. Jacques Servier, 89 ans, a déjà été mis en examen en septembre pour “tromperie sur la qualité substantielle d’un produit, escroquerie et obtention indue d’autorisation”. Ses sociétés sont poursuivies pour les deux derniers chefs.
Les juges d’instruction ont d’ores et déjà imposé dans ce cadre à la société et ses dirigeants 100 millions d’euros de cautions et de garanties. Les suspects risquent donc désormais des condamnations séparées à Nanterre.
Le dossier, où il apparaît qu’un risque connu n’a pas été pris en compte, met en cause le fonctionnement du monde médical d’une part, les liens entre les laboratoires médicaux et le monde politique d’autre part.
Des rapports sur le Mediator semblent avoir été édulcorés, des alertes ont été ignorées. Jacques Servier rémunérait de nombreux médecins spécialistes et des lobbyistes. Sa représentante à l’Assemblée a été récemment chassée du Palais Bourbon.
L’instruction parisienne portera sur les nombreux appuis politiques de l’industriel à gauche et à droite, notamment avec Nicolas Sarkozy, qui fut l’avocat de Jacques Servier et lui a remis la Légion d’honneur en 2008.
La division de l’affaire entre deux tribunaux divise les victimes.
Des personnes physiques victimes du médicament souhaitent un procès rapide, craignant de voir l’instruction parisienne s’enliser, à l’image des affaires du sang contaminé et de l’hormone de croissance qui ont échoué après deux décennies de procédure.
Les institutions telles que la Sécurité sociale ou les mutuelles, qui devraient demander des centaines de millions d’euros de réparations, penchent pour la voie parisienne, plus à même à leurs yeux de déboucher sur des preuves solides.