
L'ex-Premier ministre a surpris la classe politique en annonçant sa candidature à la présidentielle française de 2012. Craignant une dispersion des voix à droite, la majorité l'appelle à se rallier au sortant Nicolas Sarkozy.
Contre toute attente, Dominique de Villepin sera bien candidat à la présidentielle française de 2012. L’ancien Premier ministre de Jacques Chirac (2005-2007), et ennemi intime de Nicolas Sarkozy, a créé la surprise dans la classe politique en se déclarant candidat, dimanche 11 décembre, sur TF1, affirmant que "le rendez-vous de 2012 sera le rendez-vous de la vérité, du courage et de la volonté".
Pour justifier sa décision, celui qui se positionne comme l’héritier du gaullisme s'est dit "inquiet" de voir "la France humiliée par la loi des marchés qui impose de plus en plus d'austérité".
Réputé pour son panache et son verbe haut, l’ancien chef de la diplomatie française (2002-2004) âgé de 58 ans - qui avait été applaudi pour son discours contre la guerre en Irak devant le Conseil de sécurité des Nations unies en 2003 - se présente pour la première fois à la présidentielle. Pressenti pour être candidat en 2007, il avait dû finalement renoncer à ses ambitions en raison de son implication dans l’affaire Clearstream - un supposé complot mené en 2004 contre Nicolas Sarkozy.
Mais depuis la clôture de ce dossier, un rapprochement entre les deux rivaux s'était fait jour, comme en témoigne la rencontre entre les deux hommes le 29 octobre à la Lanterne, la résidence versaillaise du président. Depuis, Villepin a, en outre, été régulièrement courtisé par l'UMP, au point que sa non-candidature sonnait comme une évidence dans la classe politique.
Si elle a surpris dans les rangs de la majorité, l'annonce de l'ancien secrétaire général de l'Élysée a aussi - et surtout - suscité une vive inquiétude. Plusieurs responsables de l'UMP, à l’image de Nadine Morano, ministre de l'Apprentissage et de la Formation professionnelle, l’ont ainsi encouragé à renoncer à sa "candidature de posture" qui, selon la députée UMP Valérie Rosso-Debord, pourrait contribuer à "un 21 avril à l'envers".
Préjudiciable pour Sarkozy
La candidature de Dominique de Villepin, qui a fondé en 2010 le mouvement République Solidaire (RS), peut porter préjudice à la candidature de Nicolas Sarkozy, confirme Stéphane Rozès, politologue et président de Conseils, analyses et perspectives (CAP). "Le président pourrait être victime d’un émiettement de la droite avec la multiplication des petits partis", estime-t-il. La candidature de l'ancien secrétaire général de l'Élysée (1995-2002) s'ajoute en effet à celles de Christine Boutin, Nicolas Dupont-Aignan et Hervé Morin à droite de l'échiquier politique.
De son côté, Céline Bracq, directrice adjointe de l’institut de sondage BVA-Opinion, émet des réserves sur le danger que Villepin est censé représenté à droite. "En mars dernier, quand il était à 10 % d’intention de vote, les sondages ont montré que le report de ses voix au second tour se portaient sur François Hollande, et non sur Nicolas Sarkozy", pointe-t-elle du doigt. Dominique de Villepin ne marche donc pas sur les plates-bandes du président. "Les électeurs de Dominique de Villepin sont clairement anti-sarkozystes", rappelle-t-elle.
Pour sa part, l’ancien Premier ministre qui avait dit de Nicolas Sarkozy qu'il était l"un des problèmes de la France", a tenu à affirmer qu'il ne se présentait pas par rancune à l'égard de son ennemi intime. "Je me suis battu pour que les relations entre Nicolas Sarkozy et moi-même redeviennent des relations républicaines et apaisées. C'est chose faite", a-t-il dit dimanche soir.
Pour Stéphane Rozès, Villepin, qui s’est construit une image de victime due à sa rivalité constante avec Nicolas Sarkozy dans l’affaire Clearstream, n’avait pas d’autre choix que de changer de registre. "S’il veut jouer un rôle de premier plan en politique, il va devoir montrer sa volonté de résoudre les problèmes du pays", commente-t-il.
Affaires politiques
Reste à savoir s’il y arrivera. Car durant les prochains mois, l’ancien Premier ministre devra encore faire face à la justice. Il sera entendu en janvier 2012 comme témoin dans le volet financier de l'affaire Karachi sur un possible financement occulte de la campagne présidentielle d'Édouard Balladur en 1995.
Son nom est également cité dans une enquête ouverte à Strasbourg en janvier 2009 pour "escroqueries en bande organisée et abus de confiance" dans l'association Relais et Châteaux. Selon des retranscriptions d'écoutes téléphoniques, l'ancien chef du gouvernement aurait tenté de dissuader l'actuel président de l'association d'ébruiter les déboires de son prédécesseur, Régis Bulot, qui n'est autre qu'un ami proche de Villepin. Interrogé hier soir sur ce dossier, ce dernier a simplement affirmé : "Cette affaire ne me concerne pas ".
Sa candidature à la présidentielle peut lui permettre d'esquiver l’affaire des Relais-Châteaux, note Stéphane Rozès. "Il joue sur la confusion des genres en apportant une lecture politique à ces affaires judiciaires", juge-t-il
Mais pour asseoir ses ambitions politiques, Villepin va surtout devoir obtenir les 500 parrainages nécessaires à la validation de sa candidature à la présidence. "Il a celle de Jean-Pierre Grand (député, président de RS), mais cela lui en fait encore 499 à trouver", a ironisé un ancien ministre qui l'a longtemps côtoyé.
Dominique de Villepin a en effet été abandonné au fil des mois par presque tous ses soutiens parlementaires, dont certains ont rejoint Nicolas Sarkozy, comme le ministre de l'Agriculture Bruno Le Maire, l'ancien secrétaire d'État du gouvernement Fillon Georges Tron et, villepiniste entre toutes, Marie-Anne Montchamp, promue ministre des Solidarités et de la Cohésion sociale en 2010.
L'objectif des 500 signatures ne s'annonce donc pas facile à atteindre pour lui. Même s'il y parvient, son horizon pour la présidentielle 2012 est bouché, assure par ailleurs Céline Bracq. "On ne part pas à la présidentielle en cavalier seul", conclut-elle.