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Longtemps présentée comme un modèle par les jeunes entrepreneurs du Net, la Silicon Valley n’est plus forcément un exemple pour les "start-up" françaises présentes cette année au salon parisien LeWeb. Témoignages.

S’y rendre relève du parcours du combattant. Depuis ses débuts en 2003, le salon LeWeb, le plus important rassemblement de professionnels de l’Internet en Europe, a élu domicile de l’autre côté du périphérique parisien, à Saint-Denis, au nord de la capitale. Un périple qui n’a pas empêché les quelque 3 000 visiteurs de faire le déplacement cette année. Mais une fois sur place, le jeu peut en valoir la chandelle : tous ceux qui comptent dans l’Internet, en France, en Europe et même aux États-Unis sont là pour entendre les jeunes entrepreneurs à concrétiser leur rêve numérique.

“On compte énormément sur LeWeb pour rencontrer des VC [comprendre 'Venture Capitalists', c'est-à-dire des investisseurs privés, ndlr] qui aideront à financer notre projet”, reconnaît Sébastien Félix, l’un des co-fondateurs de Commerces&Co, un site communautaire qui veut mettre en relation les commerces de proximité et leurs clients. “L’année durant laquelle nous avons conçu notre projet, on travaillait très dur, on dormait peu et c’était très stressant de ne pas savoir si ce qu’on faisait allait marcher et maintenant on va voir si ça a été payant”, renchérit Cyril Hersch, dont l'application mobile Apila, qui permet de géolocaliser les places de parking à Paris, a été retenue dans la liste des finalistes de la compétition des meilleures "start-up". Car tout à LeWeb est mis en œuvre pour véhiculer ce message qu’au bout de l’effort, il y a peut-être le reconfort.

Cette philosophie entrepreneuriale est d’abord portée par le créateur du salon, le blogueur français Loïc Le Meur qui s’est expatrié en 2008 à la Silicon Valley, en Californie, pour fonder son entreprise dans cet eldorado du web-entrepreneuriat.

LeWeb s’inspire beaucoup de l’esprit d’entreprise à l’américaine de son fondateur qui a ouvertement soutenu Nicolas Sarkozy lors de la présidentielle de 2007. Mais les jeunes entrepreneurs français présents cette année ne sont pas - ou plus - forcément enthousiastes à l’idée d’importer tel quel le modèle de la Silicon Valley en France.

"French Touch"

“Cela ressemble un peu à un enfer de luxe dont on ne voit que les réussites, comme Google ou Facebook, et pas les nombreux échecs”, souligne Olivier Gosse-Gardet, co-fondateur d’Apila. Même aux États-Unis, les critiques commencent à fuser contre cet environnement ultra-concurrentiel où le salarié ne bénéficie d'aucune sécurité de l’emploi et doit se sacrifier corps et âmes pour le bien d’une "start-up" qui ne grandira peut-être jamais. Fin novembre, le ras-le-bol atteignait ainsi la société Zynga, la star incontestée des jeux sur Facebook bientôt cotée en Bourse, accusée de pousser ses employés à bout. “Le tout-business qui règne sur la Silicon Valley n’est peut-être pas ce qu’il y a de mieux pour la France”, ironise Julien Hugon, fondateur de HereweDate, un jeune site de rencontres basé sur les centres d’intérêt.

Mais si le prétendu eldorado à l’américaine du web-entrepreneuriat n’est pas forcément soluble dans le modèle français, ces jeunes entrepreneurs trouvent que le "made in France" est largement perfectible. Sont pointées du doigt, entre autres, les charges patronales qui "empêchent de payer un stagiaire plus de 417 euros sans se ruiner alors qu’un grand groupe peut se le permettre et récupère ainsi les jeunes talents", selon Julien Hugon. Ou encore le chemin de croix pour fonder sa société : "un vrai bordel car on est très mal informé sur ce qu’il faut faire et à qui s’adresser", se rappelle Ludivine Huché, co-fondatrice de Commerces&Co.

Pourtant, tous espèrent qu’il peut y avoir une “French Touch”. Pour les uns, il s’agit de se nourrir de ce qui marche aux États-Unis et qui pourrait être transposé dans l’Hexagone sans trop de dommages sociaux. “Aux États-Unis, les investisseurs sont habitués à voir des petites entreprises devenir des Google, et ils n’ont donc pas peur de mettre de l’argent dans les 'start-up'”, affirme Olivier Gosse-Gardet.

D’autres estiment qu’il faut se concentrer sur les avantages nationaux. “Le modèle économique français est construit sur la culture des grands groupes industriels et non pas sur les petites entreprises comme aux États-Unis ce qui peut devenir un avantage énorme si ces structures se mettent à soutenir davantage les 'start-up'”, souligne Alice Zagury ,qui s’occupe du Camping, une structure d’accompagnement aux jeunes sociétés. Elle assure que c’est en train de changer. Elle en veut pour preuve Orange et Renault qui ont lancé récemment des programmes de soutien aux "start-up".

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